L’essai avant la période d’essai

Sylvia Di Pasquale

Une start-up américaine a mis en place une période d’essai avant la période d’essai. Avant de s'engager, le candidat peut travailler dans l'entreprise quelques heures par semaine, rencontrer ses collègues, se confronter à sa culture... Et ce pendant 3 à 8 semaines, tout en étant payé. En France, le drot du travail y perdrait son latin.

Chez Automattic, le candidat peut tester si l'herbe y est plus verte avant de signer un CDI. Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

L’essai avant la période d’essai
Chez Automattic, le candidat peut tester si l'herbe y est plus verte avant de signer un CDI. Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Les recruteurs français se posent des questions. Leurs collègues américains ont (peut-être) la réponse. C’est que, par chez nous, certaines offres d’emploi cadre ne trouvent pas preneurs. Des postes restent vacants faute de candidats ad hoc, parce que, entre autres raisons, les cadres sont aussi mobiles que l’Himalaya ce qui fait que seulement 6% d’entre eux ont changé d’entreprise l’an passé. Pour déplacer cette montagne de frilosité, les DRH français pourraient peut-être s’inspirer de l’expérience d’Automattic. Cette start-up américaine a mis en place une période d’essai avant la période d’essai.

Encore une complication du droit du travail ? Du tout. Pour une fois, l’affaire est bête comme chou. Et plutôt futée. Après un premier entretien, l’éditeur de logiciel yankee propose au candidat retenu de travailler l’équivalent de 10 à 20 heures par semaine pendant 3 à 8 semaines. Il est payé pour ce job, mais n’a pas besoin de démissionner de son poste actuel. Les horaires sont aménageables : le soir, le week-end ou en journée si le candidat veut prendre des vacances.

L’avantage de ce test in vivo est évident pour Automattic puisqu’il lui évite de tergiverser, de multiplier les entretiens, d’hésiter et de shortlister avant de se rétracter. Le postulant fait l’affaire, il le prouve et on se tape dans la main, sinon on se quitte bons copains. À l’inverse, cet essai avant l’essai est tout aussi intéressant pour le candidat. Il hésite à quitter son poste douillet pour une terre inconnue infestée de vilaines entreprises qui ne pensent qu’à l’arnaquer et qui, de toute façon, courent tout droit à la faillite ? En vérifiant sur pièce, en travaillant pour de vrai avec ses potentiels futurs collègues et managers, il sera éclairé sur les qualités et/ou défauts de la boite. Et pourra accepter ou se rétracter. Sans risque de se retrouver à la rue, puisqu’il retournera à sa fonction actuelle.

L’introduire en France aurait du bon. Sauf que pas forcément. L’affaire va peut-être se heurter à des difficultés d’ordre législatif. De quel bois les heures « tests » vont-elles se chauffer ? CDD, CDI, auto-entrepreneuriat ? Et puis le dépassement d’horaires et le cumul de contrats sont très contraints. En outre, comment un cadre aux horaires déjà démesurés va t-il pouvoir conjuguer deux boulots ? Sans oublier la tentation de certaines entreprises d’avoir recours à une manœuvre temporaire et, le temps d’un test, de récupérer les réseaux d’un commercial, les bonnes idées d’un marketeur ou le génie d’un développeur. Autant de questions qui ne méritent pas pour autant de jeter cette bonne idée avec l’eau de ses difficultés, mais au moins, de s’interroger.

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Illustration © Charles Monnier. 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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