L’Italie en pole position sur le contrat unique

Sylvia Di Pasquale

"Ennuyeux", "monotone" et "illusoire". C'est la définition du CDI par Mario Monti, Premier ministre italien. Une précaution oratoire, avant que le professore n'annonce, dans les jours qui viennent, sa réforme du marché du travail à l'italienne. Une réforme qu'il mettra en place, « avec ou sans l'accord des syndicats », a prévenu sa ministre des Affaires sociales, Elsa Fornero.

Certes, l'Italie est contrainte d’agir, par ses créanciers et par la Commission européenne. Son taux d'endettement est record, comme son taux de chômage des jeunes, qui atteint des sommets de l'autre côté des Alpes, avec 31% pour les moins de 25 ans. Mais le traitement de choc que le gouvernement risque d'annoncer provoque, avant même son entrée en vigueur, la colère des « bamboccioni », ces « Tanguy » version transalpine, que Monti voudrait remettre au travail. Car sa réforme devrait instaurer une formule qui ressemble peu ou prou à notre fameux contrat premier embauche (vite enterré en France vu le tollé qu’il avait déclenché en 2006) prévoyant la systématisation d’une période d’essai de trois ans et la généralisation de la rupture à l’amiable, une fois le fameux CDI obtenu.

Ce contrat unique, qui trouve d’ailleurs quelques échos par chez nous, est mis en pièces par ses opposants, pour qui cette nouvelle forme de précarité, du moins dans sa première période, prive les jeunes de l’accès aux emprunts bancaires, de la location d’appartements et, par extension, de toute fondation d’un foyer. D’après eux, les Tanguy romains ne pourront pas plus quitter papa et maman qu’aujourd’hui, même s’ils signent enfin un contrat de travail. Ce qui, vues les frilosités actuelles des banques à lâcher le moindre pécule, n’est pas une vue de l’esprit.

Mais ce projet italien, que d’autres pays comme le nôtre pourraient être tentés d’adopter un jour ou l’autre, appuie là où ça fait mal. Car il pose le problème des leviers à activer pour tenter de relancer une économie atone. En flexibilisant le travail au maximum, on donne, certes, un nouveau souffle aux embauches. Sauf que la consommation est l’un des ressorts de la croissance. C’est paradoxalement LE ressort que prônent les adeptes du contrat unique. Or, cette croissance a fort peu de chances de s’envoler si les salariés – qui sont des consommateurs –  ne peuvent acheter ni voitures, ni appartements, ni sèche-linge, en raison de la précarité où ils se trouvent placés par la force de ces contrats, et par les réticences bancaires.

A l’inverse, la rigidité du code du travail empêche les entreprises de recruter et créée du chômage. Résultat : les millions de sans-emploi ne consomment pas et les économies nationales sont à la ramasse. Flexibiliser ou ne pas flexibiliser, telle est la question qui peut mener à l’impasse.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 27 février 2012

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

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Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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