Métier de convictions, job de contradictions

Sylvia Di Pasquale

Ces gens sont bizarres. Ils ont des salaires pas terribles, travaillent majoritairement en CDD, effectuent des temps partiels en veux-tu en voilà, et dans leurs boîtes, le dialogue social est au raz des pâquerettes. Et pourtant, ils sont contents, beaucoup plus en tout cas que leurs collègues du secteur lucratif. Car ils travaillent dans l'économie sociale et solidaire (associations, coopératives, mutuelles et fondations). C'est ce que relève une enquête très approfondie du laboratoire d'économie et de sociologie du travail du CNRS menée sur la région Paca.

Évidemment, expliquer que ceux qui choisissent un métier de convictions se sentent mieux que ceux qui exercent une profession de contradiction, n'est pas vraiment un scoop. Les premiers estiment leur job et eux-mêmes, les seconds font comme si et s'en arrangent, quand ils travaillent pour une boîte dont la raison sociale ne colle pas avec leur éthique. On savait tout ça, et l'étude du CNRS ne va pas bousculer le bon ordre des JT, pas comme le tremblement de terre qui a secoué le Sofitel de Times Square.

Mais au-delà de la satisfaction, l'étude de 260 pages s'intéresse surtout au côté obscur de ces métiers. Elle relève, au passage, le manque de pratiques managériales, et insiste sur le fait que ce secteur est à la traîne sur la prévention des risques professionnels. Le manque de représentation des salariés est lui aussi montré du doigt. Et, puis, comme on l'a déjà dit, le nombre de temps partiels subi, et l'empilage de CDD, ne donnent pas de ces associations coopératives et fondations l'image de boites à l'écoute de leurs salariés.

Et pourtant, comme le signale notre nouveau site, « C'est décidé, je trouve un job solidaire », ce secteur emploie 2,3 millions de salariés et 10% de l'ensemble des cadres. Il continue à embaucher et ne semble pas condamné à une pénurie de candidats rebutés par ces pratiques.

Alors ? Alors, on en conclut que l'enjeu d'une boite est plus important que tout. Peu importe la forme, pourvu que le fond soit convaincant. Ces mauvaises pratiques sociales, on les retrouve d'ailleurs sous diverses formes dans les médias et les milieux artistiques, sans que jamais le nombre d'aspirants cinéastes, journalistes ou plasticiens ne baisse. L'exercice d'un boulot intéressant vaudrait tous les sacrifices. Il ne resterait plus aux autres secteurs, tous ceux qui font tourner l'économie du pays, que leurs yeux pour pleurer, et l'avancée sociale pour attirer.

Beaucoup d'entreprises classiques le savent parfaitement et mettent en place les outils nécessaires. En revanche, celles qui cumulent les défauts de l'associatif et de l'entreprise ont quelques soucis à se faire.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 16 mai 2011

Une réaction ? Un témoignage ? Le forum ci-dessous vous est ouvert.

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :