Motivator vs Recrutator

Sylvia Di Pasquale

Au fait, c’est quoi une lettre de motivation ? « Un texte destiné à mettre en avant les qualités et les compétences d’un candidat et qui lui permettent de se différencier des autres chercheurs d’emploi qui postulent pour le même job ». De cette définition sinistre comme un mauvais cours magistral, et avouons-le, un rien barbante, on retiendra quand même un mot : « différencier ».

Un mot sur lequel ce jeune  entrepreneur du web n’a, semble-t-il, pas percuté. Sûrement que la phrase était trop longue. Une impasse qui, en tout cas, ne l’a pas empêché de créer Motivator. Je sais, ça fait peur. On a l’impression qu’un type gaulé comme le fils caché de Terminator et de Rocky Balboa va débarquer à 8h30 dans le bureau d’un recruteur en marmonnant d’un ton calme et ultra-viril : « j’aime l’odeur du napalm au petit matin ».

En réalité,  Motivator, c’est un petit logiciel qui tricote tout seul une lettre de motivation. A condition de lui filer quelques mots-clés, comme le poste auquel on candidate et celui d’où l’on sort, en y a joutant une pincée de qualités perso (attention, pas plus de trois). Puis, l’algorithme fait sa tambouille en moins de temps qu’il ne faut à un recruteur pour envoyer un CV à la poubelle et c’est plié.

Résultat : une lettre qui respecte la syntaxe, qui met tous les mots dans le bon ordre et qui les assaisonne de quelques expressions vraiment très originales, comme « vif intérêt pour le poste », ou « à la recherche d’un nouveau challenge » ou le fameux « votre entreprise est un acteur majeur et incontournable dans son secteur ». Bref, avec Motivator, la différenciation est passée par-dessus bord.

Même si –   et on l’a testé –  une lettre ne ressemble pas à une autre, elles sont toutes assaisonnées au sel qui nourrit les fastidieuses lettres administratives, leur donnent un goût d’anonymat prononcé et de vide sidéral. Un sel qui ne risque pas de déclencher une quelconque envie chez le recruteur de lui exposer « plus avant (votre) motivation au cours d’un entretien ».

J’entends déjà des candidats m’opposer que, de toute façon, cette bouillie sans saveur est bien suffisante pour des recruteurs qui ne prennent pas le temps de lire les lettres de motivation. Je leur répondrai que 1) ceux qui ne les lisent plus expliquent qu’ils en ont marre de recevoir des copiés/collés insipides et 2) tous les recruteurs n’ont pas laissé tomber le combat et se servent encore de cet écrit pour jauger votre capacité à communiquer, surtout si vous êtes un cadre confirmé.

Avec cette futilité de fin d’été, on n’ose même pas souhaiter une bonne rentrée aux légions des ressources humaines qui, tout juste rentrées de vacances, devront se fader de longues journées de lectures creuses. Jusqu’au ras-le-bol. Un excès de Motivator qui va peut-être les transformer en Recrutators. Et la bataille titanesque entre les deux super-héros risque de faire des dégâts. Parmi les candidats.

@Syl_DiPasquale – Cadremploi.fr – 26 août 2013

A consulter : le mini-site C’est décidé, je refais mon CV et ma lettre de motivation

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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