On quitte son entreprise quand il est déjà trop tard

Sylvia Di Pasquale

[Edito] La dernière étude de l’Apec sur les mobilités des cadres révèle que le départ a des motivations plus souvent défensives que positives.
On quitte son entreprise quand il est déjà trop tard

On l’observait, mais le dernier baromètre annuel de l’Apec* a ventilé nos derniers doutes. Qu’on se le dise, les cadres sont plus mobiles que jamais. Un seul chiffre permet de coller le blues pour la semaine entière à tous les DRH qui n’arrivent pas à recruter : 30 % de cols blancs ont changé de poste ou de boîte l’an passé. Un taux qui grimpe à 50 % chez les moins de 30 ans. Hommes, femmes, tout le monde bouge avec le même empressement sauf les seniors, qui ne sont que 18 % à être nomades.

Mais au fait, pourquoi cette bougeotte ? Pour gagner plus, progresser, évoluer, faire carrière ? Certes, ce genre de préoccupations légitimes est bel et bien exprimé par les interrogés. Mais ce n’est pas vraiment leur principale motivation pour prendre la poudre d’escampette. La quête d’un meilleur salaire n’est exprimée que par 9 % des cadres. Ils sont autant à motiver leur départ en raison de perspectives de carrière.

Il faut savoir partir deux ans trop tôt

Les principales motivations sont ailleurs et sont plus défensives que positives. 16 % des partants avouent avoir quitté un « environnement difficile ». En deuxième position, toujours bien avant la promotion d’un nouveau poste, les cols blancs expriment la résignation en cochant « mon entreprise ne m’a pas laissé le choix ». Et ils sont 10 % à être parti pour désaccord avec la stratégie de leur boîte.

Autant de mobilités subies plutôt que choisies, autant de fantasmes sur le dynamisme de l’emploi des cadres quelque peu refroidis. Une prise de conscience  qui peut aussi servir de piqûre de rappel aux cadres et à leurs employeurs : comme les footballeurs, les premiers ne doivent pas jouer la saison de trop et attendre que leur environnement ne se dégrade. "Il faut savoir partir deux ans trop tôt", me disait récemment un ami, heureux reconverti dans le conseil après 27 ans passés en banque d'investissement (dont 20 de trop, vue la diversité de ses talents).

Quant aux entreprises, si elles veulent éviter de voir fuir leurs bons éléments, elles doivent les écouter, et veiller à une meilleure qualité de vie au travail. Plus que jamais.

* Apec, Panorama des mobilités professionnelles des cadres, juin 2019

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi
Dessin de Charles Monnier
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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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