On les croyait rocs indestructibles et caps insubmersibles, mais finalement, les hommes sont des êtres fragiles. Surtout en ce début de 21e siècle. Surtout ceux qui se sont confiés à la psychanalyste Sylviane Giampino et à l’inspectrice des affaires sociales Brigitte Grézy. Ces deux expertes les ont écoutés dans le cadre d’un rapport qu’elles viennent de remettre à l’Orse (Observatoire sur la responsabilité sociétale des entreprises).
Elles ont interrogé une vingtaine de cadres et de dirigeants qui se sont livrés tout à trac, évoquant leur masculinité au boulot et dans la vie perso. Des messieurs lambda, mais pas que. Stéphane Richard, PDG de France Télécom et Jean-Paul Bailly, président de la Poste, sont passés entre les mains des expertes. Eux comme les autres ont dressé le même constat alarmant : les hommes sont paumés. Le diagnostic des chercheuses de l’Orse est sans appel. Les garçons en col blanc sont victimes du syndrome de dépossession, à la maison comme au boulot.

Au bureau, c’est terrible. Ils ont perdu le nord, la boussole qui jusque-là leur permettait d’écarter les bras à la proue du navire en hurlant « je suis le maître du monde ». C’est qu’ils se sont rendu compte que l’entreprise, cette ingrate, ne « rend pas toujours les promesses escomptées », comme le notent la psy et l’inspectrice. Bigre, il ne faut jamais sous-estimer une lucidité, même tardive. Mais une désillusion ne vient jamais seule.
Les cadres masculins sont non seulement déstabilisés par la fin d’une croyance en l’entreprise protectrice, mais ils sont, en plus, secoués par un monde qui disparaît : celui qui voyait leur domination sur le deuxième sexe tellement établie qu’ils l’imaginaient naturelle et forcément sans fin. Game over. Ils voient dorénavant les filles non plus comme d’agréables collaborateurs, voire des collègues, mais comme des concurrentes. Et comme les femmes sont encouragées dans ce sens, par des actions qui ne sont finalement que de la discrimination positive qui ne dit pas son nom, les gars les envient, les jalousent peut-être, même s’ils ne le disent pas.
Ils font donc grise mine au bureau et ont hâte de retrouver leurs repères à la maison. Mais la dépossession ne laisse pas de répit. Car ils se sentent aussi exclus de la famille. Toujours dans le bon vieux rôle du père (très) responsable des loisirs de ses enfants et (un peu) de leur scolarité, ils voient bien que les autres relations leur échappent, prises en main par les mères.
Alors devant ce malaise pro et perso, que faire ? Plutôt que de regarder les hommes tomber, les filles ne devraient-elles pas laisser tomber ? Oublier les revendications d’égalité salariale ? Renoncer à briser le plafond de verre qui les empêche de grimper les échelons ? Laisser croire à son mari qu’il fait tout à la maison, même par télépathie ? On peut aussi laisser les hommes faire doucement leur révolution culturelle.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 14 mai 2012
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