Peut-on vivre éternellement une double vie de pirate et de RH ?

Sylvia Di Pasquale

Peut-on vivre éternellement une double vie de pirate et de RH ?

C’est la question que Vogelsong a dû se poser des milliers de fois. Jusqu’à ce week-end, jusqu’à ce que l’homme qui se cachait sous ce pseudonyme mette fin à ses activités d’agitateur politique et sociétal sur Internet. Car Vogelsong, depuis 2007, était un blogueur suivi http://piratages.wordpress.com et un twittos influent (@vogelsong) avec plus de 18 000 abonnés.

Très à gauche et très vegan, il prenait régulièrement à partie les puissants, les amateurs de viande, les patrons et les journalistes. Et c’est justement à la fin de la semaine passée, au travers de l’une de ces joutes violentes avec l’une d’elle, que l’un de ses confrères a décidé d’enquêter pour savoir qui se cachait derrière l’anonymat de Vogelsong. Et la découverte est plutôt à l’inverse du personnage.

Car dans la vraie vie, le polémiste vegan est responsable ressources humaines dans un groupe de presse agricole professionnel. Conscient des risques encourus dans son milieu, il s’est retiré de Twitter au cours du week-end et a fermé son blog. 

Je ne vais pas, comme certains moralistes de la twittosphère, livrer un jugement moral sur le mode « bien fait pour lui » ou à l’inverse, « c’est une censure, on veut le faire taire ». En revanche, je m’interroge sur les motivations profondes de Vogelsong qui, depuis des années, partage sa vie, et la cloisonne, entre des activités professionnelles et personnelles plutôt antagonistes. 

 

Ces deux injonctions sont-elles forcément contradictoires ?

 

Prôner le veganisme lorsque son employeur défend l’agriculture traditionnelle est compliqué. De même que bosser chez Monsento quand on réprouve l’agrochimie ou chez Marlboro quand on soutient la Fondation Arc.

Pourfendre le patronat lorsque l’on est responsable des ressources humaines d’une entreprise peut l’être aussi (compliqué). Peut-être que le twittos et blogueur renommé trouvait dans sa vie numérique et anonyme un exutoire à son métier dont il ne partageait que peu de valeurs. 

Cette histoire et cette double vie, qui s’achève aujourd’hui, illustre en tous cas le malaise du salarié tiraillé entre sa quête de sens et le besoin de subvenir à ses besoins. Un truc vieux comme le travail.

Mais ces deux injonctions sont-elles forcément contradictoires ? Une société a besoin d’entreprises de pompes funèbres. Et dans cette même société, peu d’actifs sont naturellement enclins à enterrer leurs contemporains. Mais ces boîtes parviennent néanmoins à recruter, et même à fidéliser leurs salariés, en organisant une certaine bienveillance et une solidarité au travail. Celles qui n’y parviennent pas, créent chaque jour des Vogelsong en puissance.

 

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

[Cet article est un éditorial qui reflète le point de vue de la rédaction. Le forum ci-dessous vous permet de le commenter ou d’apporter votre témoignage en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre participation.]

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

Vous aimerez aussi :