Pour prendre du galon, y'a que la séduction

Sylvia Di Pasquale

On est tous persuadés de vivre au XXIᵉ siècle. Tous, sauf Catherine Hakim. Pour cette sociologue anglaise, les avancées de notre civilisation, plus éduquée, plus réfléchie, plus objective qu'à l'époque où on se donnait de grands coups de massue au fond des cavernes, ne serait qu'une vaste fumisterie.

Evidemment, ce n'est pas ce qu'elle nous écrit dans son pensum* publié dans l'European Sociological Review. Car la dame, chercheuse à la London School of Economics, est bien élevée. Mais c'est en tout cas ce qu'elle nous incite à déduire. En substance, elle nous apprend que le capital érotique de chacun est indispensable à la réussite professionnelle.

Notamment pour les candidats à des jobs dans la communication, la vente et le droit. Séduire, mettre en avant ses atouts physiques et faire monter la testostérone de ses collègues est, selon, Cathy, la meilleure manière de prendre du galon. Surtout pour les femmes. Une recette qui serait, toujours selon notre amie d'outre-Manche, au moins aussi efficace que de jouer de son capital culturel, social ou économique. Trois piliers de la réussite selon feu Pierre Bourdieu, et qui, jusqu'ici, faisaient plutôt référence.

Mais l'époque actuelle sentant de plus en plus fort le retour aux valeurs ancestrales - et les clichés plus ou moins lourdingues qu'elles véhiculent - , il était logique que l'on se prenne un jour ou l'autre un retour en pleine figure de la vieille thèse du « sois belle et tu trouveras, au choix, un beau mari (traduction : riche) ou un bon job (traduction : bien payé). »

Évidemment, on a l'air comme ça de crêper le chignon de cette pauvre Catherine Hakim. En réalité son étude, par quelque bout qu'on la saisisse, est absolument indispensable. Car, en supposant que la trentaine de pages publiées sont parfaitement bidon, c'est la très honorable London School of Economics qui s'en trouve discréditée. Ce qui, en passant, ferait bien l'affaire de nos grandes écoles à nous, et les feraient remonter dans les divers classements mondiaux.

Mais à l'inverse, si ce qu'affirme la sociologue britannique se révèle exact, c'est pire encore. Cela signifierait tout simplement que tous les efforts d'éducation entrepris par les hommes (et les femmes) depuis des siècles ne vaudraient pas tripette. Que tout le boulot de nos sages, destiné à raisonner quelque peu les impulsions de leurs contemporains, a eu autant d'influence qu'une mélodie de Charles Trenet sur l'œuvre de Marylin Manson. Et qu'au final, l'avenir appartient plutôt aux Zahia D. (la fugace copine de Franck Ribery) qu'aux Elisabeth B. (la femme de Robert Badinter).

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 3 mai 2010

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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