C'est l'printemps. C'est sûr et certain. Depuis quelques jours, il flotte dans l'air un étrange parfum de légèreté, d'inconséquence et, surtout, de positivisme. La mise en faillite probable du plus gros constructeur automobile au monde ? Une simple « opération chirurgicale pour sauver General Motors», selon le Trésor américain. Alors qu'en temps ordinaires, l'affaire relèverait du séisme, de la catastrophe internationale, elle n'est, ces temps-ci qu'une billevesée de plus, une anicroche supplémentaire de ces temps troublés. Même à Detroit, c'est l'printemps.
Plus près de nous, l'équipementier Heuliez se retrouve en redressement judiciaire. Un sous-traitant symbole de la filière, et 1000 personnes qui risquent de se retrouver à la rue : voilà qui devrait, logiquement, provoquer une onde de choc jusqu'à l'Exécutif. Rien de tout cela, juste un soulagement unanime, un « c'est pas pire que si c'était plus grave » général lancé par tous ceux qui, de près ou de loin, se sont penchés sur le dossier. A Cerisaie, fief d'Heuliez, comme à l'Elysée, c'est l'printemps.
Pareil pour les chiffres des baisses de recrutement qui s'affichent régulièrement sur les compteurs de la crise. Derniers en date, ceux du BMO (Enquête sur les Besoins en main d'œuvre) livrés par le Pôle emploi. Ils sont catastrophiques et prévoient une baisse de 23,8% des embauches cette année. Et voilà que les observateurs se la jouent incrédules. S'ils constatent le chiffre lamentable, c'est pour le relativiser in petto. Car selon eux, si baisse il y a, elle ne serait que la photographie de l'état (second) dans lequel les dirigeants d'entreprises (1,5 millions d'interrogés tout de même) se trouvaient en novembre dernier. Aujourd'hui, ils ne répondraient pas comme ça. Puisque c'est l'printemps.
Même dans les journaux, sur les ondes radio ou dans les lucarnes télévisées, c'est l'printemps. Suffit de collecter les unes consacrées à la sortie de la crise. Ou les titres affriolants sur « les entreprises qui ne connaissent pas la crise. » Dans les médias, pourtant, le pessimisme et le doute sont des compétences reconnues. Alors ? Alors on se demande si la sortie de l'hiver explique à elle seule cette montée de sève d'enthousiasme. Peut-être qu'à force de s'entendre dire que la « crise financière est surtout une crise de confiance », que « pour que les marchés se reprennent, il leur suffit d'être optimistes », tout le monde s'accorde pour appliquer la méthode Coué.
Une recette de relance que ni le G20, ni l'UE ni les Etats n'ont encore appliquée. Les optimistes expliqueront que c'est la seule qui puisse relancer le business et qu'on aurait dû l'appliquer dès le début. Les pessimistes, quant à eux, prétendront que c'est aussi efficace que d'aller à Lourdes pour soigner un stade terminal. Les autres constatent que trois ans après la crise de 29, les marchés ont connu un coup de boost comme jamais. Advint ce qu'il advint.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 20 avril 2009
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.