Profession bogosse

Sylvia Di Pasquale

Après Abercrombie et ses fringues vintage, ses vendeurs "bogosses", et ses magasins plongés dans le noir, voici Abercrombie et ses employés obligés de faire dix pompes en cas d’entorse au règlement maison. C’est le quotidien italien Corriere della Sera qui a révélé la semaine passée la brimade infligée aux 200 salariés de la boutique milanaise du spécialiste du sweat à capuche, ce dont Le Figaro s'est également fait l'écho. Un rayon mal rangé ? Un client qui se plaint ? Et hop : 10 pompes pour ces messieurs, et des séries d’accroupis (des « squats ») pour ces dames.

Interrogés, les vendeurs à tablettes de chocolat ne se sont pas émus outre mesure. Quant à la réaction des syndicats italiens après la révélation de cette info, elle a été cinglante et implacable, d’une dureté à faire tomber tous les murs de l’injustice. «Notre impression est que la dignité des personnes n'est pas toujours respectée. Nous avons signalé cela à la direction, qui a promis d'intervenir, » s’est timidement emportée une représentante locale. Juste une impression donc, qui va bientôt s’estomper.

Evidemment, on peut s’insurger plus violemment que toutes les confédérations transalpines réunies. Mais on peut aussi s’interroger sur la discrimination la plus ancienne, la plus injuste et finalement la moins remise en question dans le monde du travail : la beauté physique, dont ces brimades ne sont qu’un avatar supplémentaire. D’où peut-être la réaction on ne peut plus mesurée des syndicats. Quel que soit le métier, le niveau hiérarchique ou l’entreprise, être beau ou jugé tel, à compétences égales, est un atout conscient ou inconscient au moment de l’embauche et à chaque étape d’une carrière.

Un atout décuplé dans l’industrie du paraître, chez Abercrombie comme dans toute l’industrie de la mode, comme dans tout métier d’apparence. Et quand la beauté devient compétence, comme pour ces vendeurs, n’est-ce pas une forme de formation continue que de l’entretenir ?

Finalement, l’affaire des pompes milanaises ne fait que pointer du doigt le silence gêné du monde du travail face à l’utilisation mercantile et professionnelle de la beauté. Totalement admise par les clients, mais jamais avouée.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 2 avril 2012

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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