Puisqu’on vous dit que les femmes peuvent tout réussir !

Sylvia Di Pasquale

[Editorial] Les lois des séries sont parfois contradictoires. Une amie qui démissionne, la nouvelle directrice de Yahoo! qui arrive, une cadre du Département d’Etat américain qui jette l’éponge, et je vois flou, tâtonnant entre le juste et le vrai.

Ça commence par un coup de fil. A l’autre bout, une amie qui m’annonce qu’elle démissionne de sa boite. Jeune, brillante, grosses responsabilités, appréciée de son boss et belle carrière à venir. Mais elle a décidé de partir. Par amour. Elle ne supporte plus d’être séparée de son mari resté en province alors qu’elle bosse à Paris. Je me pare de mon féminisme atrabilaire et ose la question lapidaire : « tu es sûre de faire le bon choix ? ».  Oui, elle est sûre. Non, elle n’a pas décidé ça sur un coup de tête. Evidemment, c’est un choix, un vrai.

Moi, j’ai un doute, un vrai. Pas sur sa sincérité, mais sur mes convictions. Celles qui forgent les légendes des vraies winneuses qui brassent et des looseuses qui quittent la place. Justement, une histoire de working girl à qui tout réussit, le perso comme le boulot, j’en avais une sous les yeux, ici-même. Marissa Meyer, jeune et enceinte de 6 mois vient de quitter Google pour prendre la tête de Yahoo! Elle pourrait empocher 90 millions de dollars au passage et son congé maternité devrait être ultra-raccourci. Evidemment, sa feuille de paie devrait lui permettre de s’arranger du code du travail américain qui ne prévoit aucune rémunération pendant les semaines du congé en question. Marissa va donc bosser, pouponner, redresser le géant Yahoo!, avant d’aller, d’ici quelques années, aux réunions profs-élèves, juste après son conseil d’administration, et s’occuper de l’inscription à la cantine de Meyer Junior.

Les femmes peuvent tout réussir en même temps, on vous dit. Anne-Marie Slaughter le pensait aussi. Lorsque l’on est directrice du centre de prospective du département d'Etat américain auprès d’Hillary Clinton et mère d’ados de 12 et de 14 ans, c’est mieux. Sauf qu’au bout de deux ans, elle a lâché l’affaire et s’en est expliqué, dans un long et courageux article intitulé " Why Women Still Can't Have It All" mis en ligne sur The Atlantic, le magazine en ligne US. Pour elle, son nouveau job était tout simplement incompatible. Sa boss Hillary l’a compris, et l’a laissée partir. Elle s’en est retournée vers sa famille et sa chaire universitaire de Princeton.  

Anne-Marie a t-elle raison, ou bien est-ce Marissa qui a tout compris ? Et mon amie ? Est-ce qu’elle a fait le bon choix ? Et nous toutes, dans tout ça ? On fait comme on peut, on s’arrange au mieux et, surtout, on évite de trop écouter tout ceux qui veulent de leur petit exemple faire un grand ensemble.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 23 juillet 2012

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Tags : Parité
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Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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