Quand les recruteurs passent derrière la caméra

Sylvia Di Pasquale

Quand les recruteurs passent derrière la caméra

« Réunion dans cinq minutes ». Ce jour-là, c’est le branle-bas de combat dans les services de com RH d’une grande entreprise.

-       Bon, on a un problème : on n’arrive pas à faire remonter des candidatures de millenials, ils ne lisent même pas nos annonces. J’attends des idées, du neuf, du frais.

-       Et si on faisait des petites vidéos, dans le genre de celles qu’ils regardent toute la journée, on appellerait ça des « web-séries recrutement ».

-       Comme les tutos de jardinage ?

-       Mais non. On voit bien que vous n'avez pas d'ados. Ce sont des trucs rigolos, regardez...

S’ensuit un visionnage approfondi des vidéos de Squeezie et consorts, comme de Fast & Curious sauce Konbini. Les premières font rire face caméra, les secondes vous scotchent à votre écran à coups de question dilemnes, posées à rythme effréné.

-       Bien ça, mon petit Ludo ! En plus je vois que ça score méchamment. On lance ! Trouvez-moi une agence, un réal, et des comédiens. Mais n’oubliez pas d’y placer nos messages-clés. Collectif, équipe, challenge, tout ça.

C'est ainsi que naquirent les web-séries de recrutement (ou quasi ainsi). Depuis plus d’un an, elles fleurissent sur les sites destinées à la cible jeunes, comme sur les réseaux sociaux. La Société Générale y est allée de ses questions posées à un collaborateur enfermé dans un ascenseur et filmé par une camera de surveillance. Chez Mazars, on a osé le titre #VDM pour baptiser la série. VDM pour "Vie De Mazars" bien sûr.

Lire aussi : Les secrets des web-séries de recrutement qui ciblent les d’jeunes

Tout cela correspond parfaitement au brief de départ : on calque le message de l’entreprise sur des tendances qui plaisent sur Youtube ou sur Instagram. Et les résultats seraient au rendez-vous, puisque les boîtes interrogées, qui ont plongé dans ce type de réalisation, expliquent qu’elles cartonnent et que les candidatures affluent.

Et après le recrutement ? Chez Mazars, comme à la Société Générale ou chez Isagri, la vie quotidienne du travail n’est pas le monde merveilleux de Minutebuzz ou de Norman. On y bosse même, parfois, en costume, et pire : en cravate.

Qu'on se rassure : ni les millenials, ni les RH ne sont dupes. Chacun connaît le risque que prend une marque employeur qui ne dépasse pas le stade de la communication de recrutement. Si le décalage entre l'image et la réalité est trop grand, les jeunes à peine intégrés risquent de repartir aussi vite. Et de laisser des avis négatifs sur les réseaux sociaux.

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi - Dessin de Charles Monnier

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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