Qui trop aime son travail souvent mal l'étreint

Sylvia Di Pasquale

Allons bon. Il suffit que quelques patrons passent la nuit dans leur bureau sous la garde de leurs salariés et que d'autres mettent à sac une sous-préfecture, pour qu'un ancien et aristocratique Premier ministre évoque « une période prérévolutionnaire ». Définitive sentence villepinesque sur laquelle les experts en tout et les spécialistes en rien ont bien sûr fait leur miel.

Et si d'aucuns prédisent le retour de la lutte des classes façon Zola, et du temps des Barbares version Attila, il en est heureusement certains qui ne s'en laissent pas conter. Sans pour autant juger que l'heure est au bucolisme printanier où la France entière ne pense qu'à se vautrer dans les champs de fleurs, Bernard Vivier livrait ce week-end sur RTL quelques explications sur les rapports sociaux actuels et leur radicalité. Comprendre c'est dédramatiser, et pour le directeur de l'Institut supérieur du travail si les salariés hexagonaux sont à cran, c'est tout bonnement parce qu'ils aiment trop leur job. Un truc typiquement français. Eh oui, contrairement aux pays anglo-saxons, où un contrat de travail n'est rien de plus qu'un simple contrat commercial sans valeur affective, chez nous-autres, on s'attache. On s'amourache de notre job et de notre entreprise beaucoup plus qu'ailleurs et du coup, quand ça grippe, tout n'est plus que sang et larmes. Comme dans un couple en rupture.

D'accord, Monsieur Vivier, l'explication paraît parfaitement plausible. Mais d'où vient cet attachement des Français à leur tripalium ? Et voilà que nous reviennent en mémoire les bonnes paroles de notre Président à tous, désireux durant sa campagne électorale et pendant la première année de son septennat de « réhabiliter la valeur travail ». Et de se rappeler aussi que les entreprises, pour une très large majorité d'entre elles, n'ont eu de cesse durant des décennies de mettre en avant leur « culture », de prôner « l'esprit d'équipe », de « famille » au nom de la sacro-sainte « motivation ».

Encordés à ces valeurs phares, nombre de cadres et dirigeants ont plongé illico dans le management par l'affect. Difficile de leur en vouloir. Difficile aussi d'en vouloir à leurs collaborateurs s'imaginant que l'entreprise où ils travaillent est leur famille, puisqu'on le leur a répété sur tous les tons. Mais voilà qu'aujourd'hui, on leur explique que non, finalement. Que c'était juste pour de rire et qu'ils auraient dû garder la tête froide. Et qu'un boulot doit s'oublier aussi vite que le contrat d'assurance de sa bagnole que l'on résilie pour un autre. Bien sûr, on a encore le droit d'aimer son job. Mais uniquement si on ne risque pas de le perdre.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 4 mai 2009

Illustration : Charles Monnier © Cadremploi

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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