Qui veut vraiment la peau des 35 heures ?

Sylvia Di Pasquale

Ah le beau sujet clivant que voilà. La gauche pour et la droite contre. Sauf que pas du tout. Sauf que, dès que l'on dit « 35 heures », les rangs se dispersent. « 35 quoi ? » Il n'y a plus personne, ni petit ni grand patron. Pourtant, on se disait bêtement que toutes les entreprises françaises étaient vent debout contre les lois Aubry, les RTT et tout le toutim. Mais à lire et écouter leurs représentants, elles s'accommodent plutôt pas mal de ces textes-là, et ne sont pas particulièrement attachées à les « déverrouiller », comme Manuel Valls, du PS, l'a évoqué.

Au Medef, Laurence Parisot joue à la chef indienne et se montre d'une prudence de sioux. « Le thème de la durée du travail n'est pas à l'ordre du jour de l'agenda social 2011, » s'est-elle contentée de déclarer. Et de souligner dans un communiqué, « qu'il faut faire confiance aux partenaires sociaux » dans ces domaines. En gros l'Etat, donc la loi, n'a pas à s'en mêler.

Une réticence à l'abrogation quelque peu surprenante. Sauf si l'on se place du point de vue des grands industriels français, gros cotisants du Medef. A l'instar de Renault et PSA, qui risquent de connaître une année 2011 plutôt difficile. Et quand il y a moins de voitures à fabriquer, mieux vaut avoir des effectifs travaillant pendant 35 heures par semaine, plutôt que 39. C'est toujours ça d'économisé en chômage technique.

Un problème qui ne se pose pas dans les PME où, c'est connu, on déteste les 35 heures. C'est ce que l'on croyait, jusqu'à ce que Jean-Eudes du Mesnil confie au Figaro que « revenir sur les 35 heures consisterait à revenir sur les allégements de charges sur les bas salaires et les PME n'en ressortiraient pas gagnantes. » Allons bon.

Mais il y a bien des opposants quelque part à ces fameuses lois ? Du côté de la fonction publique, bien sûr. L'on sait depuis 10 ans que la durée de travail hebdomadaire a enrayé, notamment, le bon fonctionnement du système hospitalier. Alors qui va remettre en cause ces bonnes vieilles 35 heures dans le public ? La CGT pardi. Mais ce serait pour le syndicat la plus sûre façon de se tirer une balle dans le pied et de voir tous ses cotisants du privé renvoyer leur carte au siège de la Porte de Montreuil. Et comme d'ici peu, les syndiqués risquent d'être plus nombreux dans le privé que dans la fonction publique qui ne va qu'en diminuant, on comprend la réticence.

Et les cadres, alors ? Voilà des salariés qui n'ont jamais travaillé 35 heures par semaine, et qui voient leurs collaborateurs déserter le bureau à 18 heures. Ils ne peuvent donc pas approuver cette durée hebdo de boulot. Sauf qu'elle leur garantit leurs RTT à eux, huit, dix ou douze petits jours par an auxquels ils sont plus attachés encore qu'à leur téléphone mobile. C'est leur seule compensation aux horaires à rallonge. Pas question donc de la supprimer.

Mais alors, qui veut vraiment la peau des 35 heures ? Un Manuel Valls qui a besoin d'exister face à DSK et un Jean-François Coppé qui se doit de grandir face à Nicolas Sarkozy. Et depuis huit jours, on a comme l'impression qu'ils sont un peu seuls au monde.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 10 janvier 2011

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Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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