
Les plus pessimistes parlent d’une embellie. Tous les autres évoquent sans complexe l’euphorie. L’emploi des cadres est en hausse de 5 % cette année par rapport à l’an passé, et de 50 % par rapport à 2013. Davantage, ce serait suspect. Même les juniors et les seniors sont embarqués dans ce TGV du retour au boulot, ou du premier boulot. C’est dire l’ampleur du phénomène. Pourtant, les plus de 45 ans, ont toujours été les mal-aimés de l’entretien, et les absents des shortlists de l’embauche finale. Alors que se passe-t-il ? La hausse de 7 % qui concerne leurs recrutements est-elle liée à une soudaine prise de conscience des dirigeants et DRH se sentant investis d’une mission : ne pas laisser les plus de 20 ans d’expérience sur le carreau ?
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La réponse de cette embellie dans l’embellie se niche plutôt dans le pragmatisme que dans l’éthique. C’est que, selon les quelques chiffres livrés par l’Observatoire de la parentalité, 93 % des salariés considèrent que l’équilibre entre vie pro et perso est super important. Ils sont d’ailleurs 73 % à manquer de temps dans leur job actuel. Résultat : s’ils consentent à changer d’entreprise, leur première demande concernera cet équilibre, ce temps rien que pour eux, pour leur vie à eux, leurs enfants à eux, et leur partie de squash à eux.
Alors les DRH s’activent, parce qu’il le faut bien. Ils cogitent tard le soir pour mettre sur pied des chartes interdisant les réunions après 18 heures. Ils viennent bosser tôt le matin pour préparer la fiche de poste du futur directeur du bonheur. Ils se plient en quatre pour que les jeunes candidats ne soient pas pliés en deux en apprenant que l’entreprise ne leur propose ni conciergerie, ni télétravail.
Et puis il y a d’autres DRH, d’autres dirigeants, d’autres entreprises, qui font comme au bon vieux temps. Ceux-là considèrent qu’un ministre du bonheur au codir c’est à hurler de rire, qui pensent que le télétravail c’est réservé aux utopistes des start-up et s’imaginent que les concierges doivent rester cantonnées à leurs loges. Des ringards ? Peut-être. Sûrement. En attendant, elles sont encore nombreuses ces boîtes-là. Et plutôt ravies de tomber sur des quinquas qui n’ont plus d’enfants à récupérer à la sortie de la garderie, qui ne connaissent pas les règles du squash et ne sont pas fâchés d’avoir une petite réu en fin de journée qui leur évite de regarder Touche pas à mon poste. Ces entreprises là, les seniors devraient les sélectionner, y candidater. Mais il n’y a pas que dans celles-là qu’on peut leur ouvrir les bras.
Les modernes, les boîtes à charte, à concierges et à happiness officers, risquent, elles aussi d’avoir besoin d’eux. Pas comme premier choix – ne rêvons pas –, mais par défaut. Car, foin d’hypocrisie, ce retour d’affection s’explique surtout par cette période de plein emploi, et donc de pénurie de certaines fonctions. Aux seniors d’en profiter, d’en abuser et de prouver qu’entrés en qualité de plan B, ils sont devenus indispensables avec un grand A.
@Syl_DiPasquale ©Cadremploi
Dessin de Charles Monnier
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Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.