Si j’étais un homme…

Sylvia Di Pasquale

Si j’étais un homme…

Comment ça, c’est compliqué au boulot pour vous ces temps-ci ? Depuis le scandale Weinstein, la bourrasque #balancetonporc et le train de mesures annoncé par Emmanuel Macron ce samedi, ce serait devenu drôlement coton d’être un homme, un vrai, au bureau ?

Bien au contraire. Les temps qui courent sont justement les meilleurs pour revenir dans le game, pour vous découvrir une vocation de prince charmant, pour vous révéler ultra-craquant et, in fine, pour vous affirmer plus masculin que jamais, car débarrassé de tout penchant beaufo-macho-misogyne, ce truc de fausse virilité terriblement XXᵉ siècle. La recette de ce nouveau succès ? Suivre, le temps d'un instant seulement, les conseils d’une femme.

Si j’étais un homme, je m’inscrirais fissa dans le réseau de femmes de mon entreprise. Pas pour les espionner, pas pour découvrir leur stratégie de prise de pouvoir dans la boîte. Plutôt pour les aider à être à hauteur d’homme, pas plus ni moins. Car elles ne veulent pas piquer le statut des mecs, juste disposer du même statut. Pourquoi vous en mêler ? Parce qu’en cherchant l’égalité entre les sexes, on la trouve plus facilement quand les deux sexes s’en préoccupent. 

Si j’étais un homme, j’irais voir mon boss avec quelques statistiques. Lorsque l’égalité entre les hommes et les femmes est encouragée, et que ces dernières sont plus nombreuses à être managers, leurs équipes sont plus motivées, c’est une étude américaine qui le dit. Le patron n’est pas totalement convaincu ? Une autre étude, tout aussi américaine, démontre que les boîtes qui comptent plus de 10 % de dirigeantes parmi leurs dirigeants, dégagent 41 % de chiffre en plus. Dans les yeux du boss vous verrez alors briller les chiffres de son prochain bonus. Et le moment venu, il ne manquera pas de vous renvoyer l’ascenseur et de revaloriser le vôtre.

Si j’étais un homme, je tournerais sept fois la langue dans ma bouche avant de me déclarer féministe. Car nombre de messieurs se déclarent ouverts à l’égalité au boulot, mais lorsqu’une femme se retrouve seule dans une réunion composée uniquement d’hommes, ils l’appellent par leur prénom tandis qu’ils donnent du monsieur à ces messieurs. Les mêmes expliquent que les pires équipes sont celles qui sont composées de filles se crêpant le chignon avec d’autres filles.

Si j’étais un homme, je ne deviendrais pas une femme. C’est le pire des pièges. Devant la levée de bouclier justifiée contre le harcèlement au travail, il est aisé pour un homme de raser les murs, de ne plus discuter avec une collègue dans un bureau fermé, de baisser les yeux à la machine à café en face de Sandrine, Armelle ou Julie. Ceux qui succomberont à cette sinistre tentation, sont peut-être ceux qui n’acceptent pas le changement. Tous les autres, qui n’étaient pas dans cette meute des faussement virils, continueront comme avant, à bosser, à rire, voire à séduire.

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi.fr

Dessin de Charles Monnier

[Cet article est un éditorial qui reflète le point de vue de sa rédactrice. Le forum ci-dessous vous permet de le commenter ou d’apporter votre témoignage en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre visite.]

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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