Tous les bons recruteurs sont de gros méchants

Sylvia Di Pasquale

Le recrutement est vertueusement discriminatoire. Chez un recruteur honnête, ce réflexe est un mal nécessaire. « Comment ? de quoi !, s'emballe l'écho râleur des internautes. Seriez-vous en train d'affirmer que vous trouvez ça normal ? Que l'employeur le plus ouvert qui soit discrimine à chaque fois qu'il sélectionne un collaborateur, vous n'y voyez rien d'aberrant ? » Parfaitement. Puisqu'il ne le fait pas au mépris des lois. Tentons une démonstration.

 

Prenons Pierre Kosciusko-Morizet. Le PDG fondateur de Priceminister est interviewé cette semaine par David Abiker dans l'émission On revient vers vous en ligne sur Cadremploi TV. Avant que l'habile entrepreneur ne lâche ses avocats sur nous et ne nous traîne en justice pour diffamation, tentons de préciser. L'homme nous parle de son souci d'éviter la consanguinité, une des fatalités du recrutement français. Il veille à ce que les cadres qui l'entourent n'aient pas tous fréquenté les mêmes grandes écoles que lui ou que celles de ses proches collaborateurs. L'effort est louable, mais supposons qu'un ex-HEC (puisque PKM est issu de l'établissement de Jouy-en-Josas) se présente chez Price. Brillant, futé, bon orateur, inspirant confiance, ce candidat fait parfaitement l'affaire. Mieux, il abhorre la cooptation entre anciens élèves au nom du sacro-saint principe de diversité. Parfait. Néanmoins sa candidature se verrait retoquée, puisque le boss ne veut pas discriminer.

 

Prenons un autre exemple, toujours puisé dans les déclarations de PKM. Il nous confie, et c'est son droit le plus strict, que l'un des critères de sélection auquel il s'attache le plus, c'est la cohérence des propos du candidat, la manière dont ce dernier ordonne ses idées à l'oral. Logique et compréhensible. Sauf que parfaitement discriminatoire ! Puisque cette sélection barre la route à ceux, trop timides, anxieux, piètres orateurs qui perdent leurs moyens dès qu'il s'agit de prendre la parole, mais dont l'esprit est néanmoins parfaitement organisé à l'écrit.

 

Absurde cette démonstration ? Parfaitement.

 

En la poussant plus loin, même Louis Schweitzer, diligent président de la Halde (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) peut être accusé de discriminer à tour de bras dès qu'il recrute. Pourtant personne ne conteste que ce boutefeu des préjugés soit un homme comme les autres et un recruteur honnête comme beaucoup. Je parle des pros de la sélection qui pratiquent dans le plus strict respect de la loi; pas des racistes, misogynes, homophobes, jeunistes ou autres calamités que certains candidats ont la malchance de rencontrer en entretien.

 

Aux critères objectifs de compétences et d'acquis s'additionnent chez les vrais pros de la sélection d'autres éléments subjectifs, forcément affectifs, qui font qu'un candidat donne envie ou pas à son interlocuteur de travailler avec lui. Dans une société trop formaliste, on appelle cela de la discrimination. Dans une civilisation qui ne l'est pas (encore) totalement, on parle plus sagement d'affinités.

 

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 11 janvier 2010

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

 

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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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