Tout ce qu’on ne dirait pas à sa voisine, ou à ce recruteur devant lequel on fait le beau pour décrocher un job, pourrait surgir d’un simple logiciel capable d’analyser nos mentions « j’aime » déposées çà et là sur Facebook. C’est du moins ce que Michal Kosinski, David Stillwell et Thore Graepel tentent de nous expliquer. Ces trois chercheurs viennent de publier une étude dans laquelle ils ont analysé les actions de 58 000 internautes américains sur ce réseau. Tout ça dans le seul but de mettre au point un algorithme permettant de déterminer, le sexe, l’âge, l’ethnie, la taille, les orientations sexuelles, la religion, les opinions politiques, le niveau d’intelligence et même la consommation (éventuelle) de drogue des facebookistes. Autant d’informations susceptibles d’intéresser une voisine concierge ou un recruteur intrusif.
Evidemment, le taux de réussite divinatoire des deux larrons n’est pas de 100%. Mais quand même. Ils ont tapé dans le mille à 93% en ce qui concerne l’origine ethnique et le sexe des internautes espionnés. Pour l’usage de drogues, ils ont eu le nez un peu moins creux, avec 65% de réussite seulement. Mais ils se sont rattrapés avec la détection de l’orientation sexuelle, en réalisant un score de 88%.
Mais comment les deux espions peuvent-ils savoir qu’elles sont les caractéristiques intimes d’un internaute sur la seule base de ces clics sur un pouce en l’air ? Un hétéro primaire peut parfaitement liker une affiche vantant les mérites du mariage pour tous, sans être forcément attiré par les personnes du même sexe que lui, et vice-versa.
Du coup, quelques résultats en deviennent suspects. Ainsi, les chercheurs ont déterminé que les likeurs des pages Sephora et Harley Davidson sont moins intelligents que ceux qui aiment les Curly et le Seigneur des anneaux. Certes, peu de prix Nobel enfourchent de grosses bécanes américaines, mais rouler au grand air en s’aspergeant de parfum ne rend pas spécialement idiot. De même qu’ingurgiter des sachets de petits soufflés salés n’augmente pas le QI. Et suivre les pérégrinations de Bilbo le Hobbit en même temps n’y changera rien.
Du coup, cet algorithme, s’il voit le jour, fait doublement frémir. De par les erreurs qu’il va faire commettre à quelques recruteurs dont la capacité de jugement personnel est altérée. Mais au-delà de la justesse ou non de ses résultats, l’existence même de ce logiciel hérisse. Autant que l’idée que des recruteurs puissent seulement songer à l’utiliser.
Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr – 18 mars 2013

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.