Tout travail mérite salaire, même si c’est une passion

Sylvia Di Pasquale

Tout travail mérite salaire, même si c’est une passion

Ils sont 70 artistes à être montés au créneau, de Paul McCartney à Jean-Jacques Goldman, au nom des moins connus. Las. Les eurodéputés n’ont pas entendu leurs voix. En tous cas, pas suffisamment pour qu’ils soient justement rémunérés. C’est ce que l’on peut déduire du retoquage, le 5 juillet dernier, du projet de directive européenne réformant le droit d’auteur, que ces artistes soutenaient et que les Gafam ont réussi à contrer.

Ces derniers pourront donc continuer de diffuser à leur guise, et pour une somme ridicule, les œuvres de ces artistes, comme ceux de tous les autres, mais aussi toute la presse mondiale, pillées par Facebook, Youtube ou Google.

Un peu comme si TF1 diffusait la coupe du monde de foot sans reverser le moindre fifrelin à la Fifa, ou si le premier multiplexe venu projetait les Indestructibles 2 sans payer les ayants droits du film. Tout en encaissant des tickets d’entrée, ou le prix des écrans de pub en ce qui concerne la Une.

Ce refus de la directive, que les géants du Web américains ont obtenu en laissant croire aux internautes qu’il s’agit là d’une attaque frontale des grands principes de la liberté du Web, marque en tous cas l’entrée officielle de nos sociétés dans l’ère du bénévolat. Une gratuité qui s’applique à l’art, au sport ou à toute passion, au nom de la fin de la professionnalisation des dites passions.

C’est vrai, quoi : pourquoi demander rétribution contre quelque chose que l’on fait par plaisir, par goût, par vocation chevillée ? 

Si l’on suit le raisonnement de nos eurodéputés, n’essaient-ils pas de nous dire, d’une manière très insidieuse, et sûrement totalement inconsciente, que le vrai travail n’est pas quelque chose de choisi, mais de subi. L’on ne rémunère que le tripalium, le boulot pénible. Quand on a fini de l’exercer, on peut se distraire, se cultiver, réfléchir. En regardant, en lisant et en écoutant, des artistes, des intellectuels et des journalistes qu’il est inutile de rémunérer puisqu’ils exaucent leurs vœux en dehors de leurs heures de boulot, c’est bien connu.

En fait, les eurodéputés retoqueurs de directive donnent, par leur refus, un conseil à tous les candidats. Si vous aimez votre job, ne prononcez pas le mot « passion », malheureux. Vous pourriez être privés de salaire. Sait-on jamais.

 

@Syl_DiPasquale ©Cadremploi

Dessin de Charles Monnier

[Cet article est un éditorial qui reflète le point de vue de la rédaction. Le forum ci-dessous vous permet de le commenter ou d’apporter votre témoignage en lien avec le sujet évoqué, dans le respect des principes éthiques et de savoir-vivre (comprenant l’écriture avec un certain soin). Nous avons hâte de vous lire et vous remercions de votre visite.]

 

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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