Toute vérité est-elle bonne à dire... à son chef ?

Sylvia Di Pasquale

On en crève tous d'envie. De se le prendre entre quatre yeux et de lui balancer tout ce que l'on pense de lui. De sa façon de travailler, de manager et de se comporter avec nous. Attention, pas de sa manière de (mal) se fagoter, de son haleine de poney ou de son humour de régiment. Pas d'attaque perso : que du pro. Evidemment, même armé d'arguments béton, on n'ose pas. Critiquer son chef, c'est mal. Et pourtant.

La British Psychological Society (http://www.bps.org.uk/) qui vient de se pencher sur la question, révèle dans les conclusions d'une étude, que les quatre vérités ainsi envoyées, c'est tout bon pour tout le monde. Pour le collaborateur d'abord, qui se transforme, selon les british psychologues, en « employé heureux, en bonne santé et non stressé ». Bon, sans avoir passé une thèse sur les psychopathes de bureau, on se doute un peu que de se lâcher un bon coup permet d'évacuer tout ce qu'on a sur la patate, ce qui fait un bien fou. Simplement, il nous semblait plus judicieux de choisir une bonne copine ou son carnet intime pour vidanger son trop-plein. Que nenni ! L'étude encourage à choisir son boss pour cible. Il paraît que lui balancer ce que l'on pense vraiment de lui constitue un baume de jouvence pour le manager en question. « Quand les cadres dirigeants recevaient des commentaires des employés, ils étaient plus enclins à modifier leur style de gestion et ils étaient donc perçus comme des cadres plus efficaces, » expliquent les auteurs de l'étude à propos de leurs cobayes. Car ils ont testé leurs supputations sur des cols blancs vrai de vrai pour en arriver à ces conclusions.

Et là, on se dit qu'ils sont quand même very fortiches, les cadres dirigeants englichs. Voilà des gens tellement équilibrés et tellement capable de recul sur leur propre personne qu'ils savent se remettre en question comme c'est pas permis, dès la première critique venue. Se braquer contre le collaborateur qui balance ? Il ne saurait en être question. S'enfoncer dans ses certitudes ? Pensez-vous. « Toute critique est constructive » et « tout se qui ne détruit pas renforce », ça force le respect.

Bien sûr, on ne demande qu'à y croire. Sauf que notre cartésianisme a vite fait de nous faire quitter l'Olympe des chouettes idées que-même-qu'on-dirait-que-ça-serait-pour-de-vrai. Dans la vraie vie de boulot, made in France ou n'importe où ailleurs que dans le cadre fantasmé d'une étude grande bretonne, vous aurez observé que ça se passe rarement comme ça. Parce que les managers sont des hommes et des femmes avec un affect, des sentiments, de la mauvaise foi et même du quant-à-soi. Surtout ceux qui explosent leurs 60 heures par semaine. Pour eux tout particulièrement, prendre le temps de se faire taper dessus par leurs collaborateurs (verbalement s'entend) ne fait pas partie de leurs priorités. Ce sont des gens pragmatiques.

Néanmoins, si l'envie vous prend d'appliquer à la lettre les conclusions de cette étude sur votre propre chef, nous serions ravis et curieux de connaître sa réaction. Et pour tout les autres, plutôt adeptes de la faux-dercherie, venez donc raconter votre furieuse envie de tout balancer. Ça ne pourra que vous faire du bien.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 18 janvier 2009

Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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