Vive le FMLM !

Sylvia Di Pasquale

La scène s’est déroulée à 12h14 exactement. Vendredi dernier, au même moment, à travers toute la France, les spécialistes de l’emploi à l’écoute d’Europe 1 Midi sont tombés de leur chaise. Dans le studio de Patrick Roger, une femme, chef d’entreprise, prend la parole. « Les lettres de motivation ? Au-delà de cinq lignes je ne peux pas les lire, pas le temps ». Une façon de suggérer aux chercheurs d’emploi à l’écoute, que ladite lettre est totalement inutile. Qu’il est totalement superflu d'expliquer pourquoi l'on postule. Qu’au mieux la missive ne serait pas lue. Qu’au pire, elle risque d’exaspérer le recruteur.

C’est bien mal connaître le marché de l’emploi. Car tous les recruteurs n’appliquent pas ces méthodes industrialisées. Des milliers de PME ne recruteront qu’un seul cadre cette année. Et leurs dirigeants ne consacreront pas seulement 10 secondes à chaque candidat. Idem dans d’autres entreprises, petites et grandes, qui peinent à recruter : j’en connais qui évaluent l'éducation du candidat à la présence d'une missive : « balancer son CV tout seul est à la limite de la politesse. » Et ceux-là ne se contentent pas d’un profil Facebook-Linkedin-Viadeo pour faire leur choix. Indispensable, la lettre de motivation – ou à tout le moins le mail de motivation – l’est toujours. A condition bien sûr qu'elle ne soit pas un pauvre copié/collé de formules maintes fois rabâchées.

La lettre ou le mail malin agit comme un coupe-file ; il darde l’attention du recruteur sur la singularité d’une candidature. Sa capacité à déménager rapidement (« Quitter Lille pour Toulouse me rapprocherait de ma famille »), sa curiosité pour l’entreprise (« J’ai appris votre projet de rachat d’une filiale italienne… »). Quant aux jeunes diplômés, issus d’une même école et que seuls un stage ou des expériences associatives distinguent de leurs condisciples, quelle autre manière de se différencier ont-ils que cette fameuse lettre de motivation ?

« Leur profil », doit se répéter la cheffe d’entreprise interrogée par Europe 1 Midi. Celui où ils échangent des connaissances techniques avec leur communauté. Car bien sûr, elle se retient de visiter celui où le candidat expose ses soirées ou ses commentaires engagés sur l'actualité…

Sur quelque réseau que ce soit, dans n'importe quel CV isolé, notre cheffe d’entreprise ne trouvera pas ce pourquoi ce candidat vient postuler chez elle. A moins qu’elle ne s’en fiche comme de sa première agrafeuse. A moins qu’elle ne recherche que des mercenaires venus chez elle par hasard, en attendant de s’en aller ailleurs. A moins qu’elle ne recherche des clones, tous semblables, puisque tous recrutés sur un simple et interchangeable CV.

La lettre de motivation reste donc toujours le chainon manquant d’une bonne candidature. Et il n’est même nécessaire de participer à la vieille guérilla des combattants du FALM (Front d’abrogation de la lettre de motivation) opposés aux rebelles de la FMLM (Force de maintien de la lettre de motivation). Il suffit de rédiger sa missive le plus sincèrement possible et de l’envoyer systématiquement. Au mieux, elle fera la différence. Au pire elle ne sera pas ouverte par quelque chef d’entreprise qui n’aime pas lire.

Twitter : Syl_DiPasquale – 3 juin 2013

Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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