Votre dernier job avant la fin du monde

Sylvia Di Pasquale

Top chrono. Plus que 364 jours avant le trou noir, le vide sidéral, le hurlement des loups et le ciel qui se déchire devant les cris d'angoisse des pauvres pêcheurs. Plus que quelques mois avant l'apocalypse, la fin du monde programmée depuis belle lurette par les Mayas, peuplade parfaitement rompue aux méthodes du marketing millénariste et adepte du grand principe « Pour laisser des traces, fait flipper ta race ».

 

C'est plié, donc. Inutile de réserver dès maintenant le studio cabine de La Plagne pour février 2013. Il ne passera pas l'année. Pas plus que les présidents du Mont Rushmore ou Pierre-Jean de la comptabilité. Mais en attendant ce 21 décembre redouté, on ne va tout de même pas passer les derniers jours du reste de notre vie à se lamenter sur tout ce qu'on n'a pas fait.

 

Au contraire. C'est le moment de se lâcher, de s'accomplir et d'accomplir ce à quoi l'on se sent destiné. Passons sur le pourcentage plus ou moins élevé de la population qui n'aspire qu'à la couette. Fermons un œil pudique sur cette brochette de nos contemporains qui ne rêvent que de s'offrir le tour d'Europe des maisons étoilées au Michelin. En fait, il s'agit plutôt d'accomplissement professionnel. Attention, pas cette routine faussement confortable, pas ces journées qui ronronnent au rythme du ventilateur du disque dur depuis 17 ans, 3 mois et 12 jours.

 

C'est décidé, on s'en va, on quitte sa boîte, on change d'air, on s'aère ailleurs. On le sait, vous le savez, les augmentations sont au point mort cette année. Pour gagner plus, il faut bouger plus. La crise ? Elle n'empêche pas les entreprises de faire la chasse aux cadres, denrée rare et chère. Le risque de ce changement ? Il est tout riquiqui face aux déluges sataniques, aux tsunamis diaboliques et aux séismes stratosphériques. Il faut en profiter, et tout de suite. Car après la fin du monde, la cote d'un ingénieur SAP risque d'être revu à la baisse.

 

Et comme il n'y a pas grand-chose à perdre et quelques mois de bonheur professionnel à gagner, pourquoi ne pas assouvir cette ancienne vocation refoulée ? Celle de vendeur de maison de stars, de chanteuse dans un groupe, de donneur de notes chez Standard & Poor's ou de nettoyeur à la Léon ?

 

Mais supposons. Supposons que le 21 décembre soit aussi calme qu'un jour de fermeture de la bourse de Francfort. Supposons que les Mayas ne soient qu'une bande de farceurs. C'est une simple supposition, qui n'engage en rien nos sentiments envers ce fier peuple andin et ses respectables ancêtres. Supposons donc que le 22 décembre au matin, le jour se lève comme la veille.

 

Vous, comme le jour d'avant, vous irez vaquer à vos nouvelles occupations. Et vous serez tellement ravis de ce nouveau cadre, de ce nouveau job et de vos nouveaux collègues, que vous en remercierez les sorciers Mayas, les doux dingues de toutes les sectes apocalyptiques, les petits enfants de Nostradamus, les neveux de Paco Rabanne. Et nous. Car on vous aura prévenu du pire devenu le meilleur.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 2 janvier 2012

 

L'équipe de Cadremploi se joint à moi pour vous souhaiter une très belle année 2012.

 

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Dessin de Charles Monnier © Cadremploi.fr

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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