« Vous avez 400 000 nouveaux messages »

Sylvia Di Pasquale

Téléphone surtaxé (et saturé), conseillers mal formés (et surbookés), logo surpayé, chômeurs en retard d'indemnités, directeur général vilipendé (et décontenancé) : on a connu des naissances plus heureuses que celle du Pôle emploi. Le regroupement ANPE - Assedic n'est pas sur les rails depuis trois mois que tout le monde lui tombe sur le râble, même ses géniteurs. Suffit d'écouter  Geoffroy Roux de Bézieux, ci-devant président de l'Unedic (l'organisme financeur du Pôle, tout de même). Cette semaine, il s'est lâché : « la fusion s'est faite très vite. A marche forcée. A un mauvais moment ». Heureux de Bézieux qui reconnaît ses bévues. Un peu tard, il est vrai.

C'est que la marche forcée évoquée a été entamée au mois de septembre dernier. Tiens, juste au moment où la crise a déboulé. Et pour déduire à ce moment-là que le chômage risquait de grimper en flèche, nul n'était besoin de sortir de la cuisse d'un Centralien. Lui aussi à l'origine de la fusion, Laurent Wauquiez ne se prive pas non plus de dégainer. Le secrétaire d'Etat à l'Emploi confiait mardi dernier qu'il ne voulait pas « d'une double peine pour les chômeurs ». Car pour lui, pas question que des gens privés d'emploi soient obligés, en plus, de se coltiner une administration kafkaïenne et débordée.

Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Les agents doivent non seulement se former à de nouvelles tâches, mais ils doivent, en plus, éponger le surplus de dossiers d'inscription (90 000 le mois dernier). Histoire d'en rajouter une couche, Le Canard Enchaîné publiait mercredi le montant de la facture (ou plutôt sa confirmation) du changement de logo lié à la fusion : 500 000 euros, ce qui a dû faire chaud au cœur des chercheurs d'emploi qui attendent depuis le mois de novembre que leur dossier soit validé pour qu'ils puissent être indemnisés.

N'en jetez plus. Si ? Juste une peau de banane supplémentaire : le fameux 39 49, le numéro de téléphone miracle et unique, censé répondre à tous les tracas de tous les demandeurs d'emploi. Selon les associations de consommateurs, il pourrait coûter beaucoup plus que les 11 centimes par minute officiellement annoncés, selon l'abonnement utilisé. Laurent Wauquiez, a encore joué les pompiers en affirmant dans la foulée qu'il ne tolèrera pas «que des opérateurs de téléphonie mobile se goinfrent sur le dos des demandeurs d'emploi».

Autant de griefs en si peu de temps, c'est apparemment beaucoup pour le DG du Pôle emploi. Alors Christian Charpy s'est énervé. Il a décidé de prendre personnellement les choses en main. Jeudi 12 mars dernier, interviewé par Bruce Toussaint dans l'Edition spéciale sur Canal +, il a craqué et livré en pâture à la France ébahie son adresse mail, histoire de résoudre lui-même les problèmes des chômeurs français. Comme on n'est pas chien, on vous la donne à notre tour. Un retard dans votre demande d'indemnisation ? Une offre raisonnable non désirée ? Une formation refusée ? Adressez-vous à [email protected]. Avec près de 400 000 nouveaux demandeurs d'emploi en 2009 (ou plus exactement 375 000 à 454 000 chômeurs selon les récents scénari de l'Unedic), sûr que les courriels vont affluer. Pour l'aider, le directeur général du Pôle sera bien obligé d'embaucher un ou une assistante pour gérer ses mails. Et un chômeur en moins. Un.

Sylvia Di Pasquale © Cadremploi.fr - 16 mars 2009

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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