Dispo pour une vraie rencontre ?

Sylvia Di Pasquale

Quand Charles Pépin se penche sur le concept de la rencontre et qu’il appelle Aristote, Bergson ou Hegel à la rescousse, ce n’est pas pour parler du marché de l’emploi ni de l’entretien d’embauche évidemment. Et pourtant. Les thèmes abordés par le philosophe dans son dernier ouvrage, s’ils concernent avant tout la rencontre entre deux personnes en termes d’amitié ou d’amour, collent aussi à la rencontre avec une entreprise.

Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Dispo pour une vraie rencontre ?
Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Dans son dernier livre, le philosophe souligne notamment les biais des fausses rencontres, celles qui achoppent ou celles qui n’en sont pas vraiment. Quand on se « croise » mais qu’on ne se « rencontre » pas vraiment.

Ces rencontres ratées sont souvent, pour Charles Pépin, celles que l’on a trop préméditées, façonnées et idéalisées.

Des attentes trop précises risquent de nous faire manquer la rencontre d’une personne ne correspondant pas à nos critères, alors même que nous aurions pu vivre avec elle une belle histoire. 
Charles Pépin, "La Rencontre, une Philosophie" (Allary Editions)

Ça marche aussi dans la vie pro.  Combien de candidats partent en quête de leur futur job avec plein d’a priori en tête.

Bosser dans les services à la personne ? « Même pas en rêve ! »

Une PME ? « Ça paie mal ! »

Une reconversion dans le digital ? « Ils ne prennent que des jeunes. » 

Sauf que le job qui nous convient correspond rarement, voire jamais à ce que nous en imaginions.

 

En témoignent Julia, Laura ou encore Thomas. , qui ont complètement bifurqué dans leur vie professionnelle. La vraie et bonne rencontre, selon le philosophe, doit beaucoup au hasard, certes, mais surtout, à la disponibilité de celui qui part à sa recherche.

 

Une rencontre a justement le pouvoir de redistribuer nos attentes, nos désirs, nos idées mêmes des choses et de la vie. Voilà une belle invitation à la disponibilité : savoir que nous pouvons nous tromper sur nos attentes peut nous convaincre de nous ouvrir à ce que nous n’attendons pas.

Une entreprise n’est rien d’autre qu’un groupe de personnes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées ailleurs et, qui, parfois, font un très bref ou très long voyage ensemble. Et si l’on ne croise pas Aristote et Bergson à la machine à café, au moins se rappellera-t-on que ce qui fait (un peu) le bonheur des gens, c’est de devenir (un peu plus) soi grâce à de belles rencontres.

 

Il faut rencontrer ce qui n’est pas soi pour devenir soi. […] C’est une vie de surprises, d’éblouissements, de bouleversements : la différence de l’autre nous laisse souvent abasourdis, parfois même désemparés. Mais l’appel de l’aventure est plus fort que nos craintes, il nous faut embrasser l’incertitude, oser, improviser : nul espoir de devenir soi sans sortir de soi et rencontrer les autres. 
Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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