Elle est où mon entreprise, elle est où ?

Sylvia Di Pasquale

EDITORIAL – Lucie revient de congé. Tom intègre une nouvelle boîte. L’entreprise de Valentin vient tout juste de déménager. Mais tous travaillent de chez eux ce premier lundi de novembre 2020 et de second confinement. Sauf qu’une étrange sensation de flou les envahit. La distanciation physique de leur entreprise n’est pas sans conséquence sur leur moral.
Dessin de Charles Monnier

Elle est ou mon entreprise ? Chez moi ? Sur mon ordinateur ? Perdue dans le Cloud ? Imaginez un peu. Entrez dans la peau de ce cadre qui vient de changer de poste, ou dans celle de ce manager qui vient d’intégrer sa nouvelle boîte ou qui sort d’une période de congés. Mettez-vous à la place de ce col blanc dont l’entreprise avait programmé le déménagement en pleine période de confinement 😉.

Aujourd’hui, en ce deuxième jour de télétravail, pour qui bosse-t-il devant son écran ?

Évidemment, son N+1, il le voit chaque matin à l’écran, il le lit même plusieurs fois par jour sur Slack. Ses collègues aussi. Le logo de sa boîte, il le retrouve partout, sur chaque mail, et même sur son stylo, sur son agrafeuse estampillée et ses vieilles clés USB. Mais il lui manque un élément, un truc très terre à terre : un immeuble en pierre. Même s’il est en parpaings de zone industrielle.

On reconnait depuis des siècles l’effet bénéfique du toit dont chacun dispose au-dessus de sa tête.

Cette dimension physique de l’entreprise n’apparaît jamais nulle part, comme si elle était négligeable, comme si cette (large) part de la vie n’avait pas besoin de se référer à un environnement palpable, alors qu’à l’inverse, on reconnait depuis des siècles l’effet bénéfique du toit dont chacun dispose au-dessus de sa tête, que l’on soit propriétaire ou locataire et que l’on vive dans un appartement, un pavillon ou un château.

 

Cette notion disparaît dès qu’elle touche au boulot, alors que l’on y passe autant de temps qu’à la maison. Et pourtant. Ne perd-on pas son âme lorsque l’on n’a pas de maison ? Ne perd-on pas, en substance, sa motivation lorsqu’on n’a pas d’entreprise, en vrai, en dur ? Le terme même de « siège » accolé à une boîte devrait nous éclairer sur l’importance physique que revêt le bâtiment où elle est installée.

 

Cette notion, même si elle est toute symbolique, est à verser au dossier, déjà bien épais, des maux du télétravail qui, on le sait depuis suffisamment longtemps, n’a pas que des qualités. Même s’il en a une, essentielle : celle de nous protéger du virus.

Pour autant, lorsque le Covid sera loin, et enfin dispersé façon puzzle par un efficace vaccin, il sera temps de se pencher sur le homeworking et ses effets pas toujours désirables.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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