Et les boulets du télétravail, on en parle ?

Sylvia Di Pasquale

C'EST VOUS QUI LE DITES – Trimer depuis votre canapé, vous en rêviez. Et la Covid – un mal pour un bien – vous a bien aidé. Sauf que certains collègues gâchent votre panacée. Les boulets, les relouds, les casse-pieds, les pénibles du remote qui ne comprennent rien aux nouvelles règles du télétravail et ont décidé de pourrir le vôtre. Les plus doués sont capables de cumuler plusieurs tares. Dans un pur esprit pédagogique, nous relayons une petite liste de ses insupportables du distanciel que vous nous avez confiée. Si l’envie de la commenter ou de la compléter vous prenait, soyez les bienvenus (forum ci-dessous).

Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Et les boulets du télétravail, on en parle ?
Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Le selfiche

Le télétravail profite à fond au selfiche. Avant, au bureau, on se voyait, on se parlait à la machine à café ou on se croisait dans un couloir. Dans ce temps de l’avant, donc, tout le monde savait, à peu près, ce que les autres faisaient. L’une des règles du télétravail ou, par définition, l’on ne se côtoie plus, veut qu’il faille communiquer, expliquer, écrire, formaliser ce que l’on fait, pour que les autres soient, un minimum, au courant. Et pas seulement son chat, qui a une légère tendance à n’avoir cure du dossier des établissements Starvis et de son slogan « la vis sans fin, enfin ».

Le selfiche, lui, ne dit rien, ne formalise rien, n’explicite rien. Il ne pense qu’à lui et il se fiche des autres (en bon selfish). En revanche, il a toutes les infos, il sait tout, il suit tout, les mails, les slacks, les Teams, les Google docs cachés au fin fond du cloud, il sait tout sur tout mais ne partage jamais. Vous découvrez ses productions par hasard et parfois, ce sont les mêmes que les vôtres ! Le pire, c’est qu’il n’en fait pas exprès, il ne fait juste plus attention aux autres. Est-il persuadé que son chat tient des conférences de presse pour éclaircir les travaux de son maître ?

Le provator

C’est l’exact inverse du selfiche. Lui, il communique tout le temps sur tout ce qu’il fait. Trop !  Il a tellement peur de disparaître des radars qu’il veut être de toutes les réunions, de toutes les chaînes slacks, de tous les mails. Il passe ses journées vissé au téléphone et sur les messageries. Et même pendant les visios, il mène des réunions parallèles, apostrophant les différents protagonistes via SMS, Whatsapp, Messenger et tout ce qui lui passe par le smartphone. Certes, tout le monde connait l’avancée de son boulot. Mais il pollue tout le monde à prouver qu’il bosse.

Le manager faussement agile

Pour lui, le télétravail, c’est la mort du management oculaire. Ses collaborateurs ne sont pas autour de lui ? Il sera sur leur dos. Tout le temps. Toute la journée, avec tous les outils mis à sa disposition. Il a institué le meeting en visio chaque matin à 9 heures avec caméra allumée. Pour qu’on ne le soupçonne pas de faire du flicage, il l’a baptisée « Daily Scrum » pour faire « agile », il a trouvé ça sur Internet.  Après ? Des coups de fils, des mails, des slacks, pour « accompagner », dit-il pas pour harceler, nuance. Le télétravail, il le redoutait, par peur de voir baisser la productivité de son équipe. Mais en fait, si elle a baissé, c’est que plus personne n’a le temps de se concentrer, trop occupé à répondre à ce pénible. De son côté, il n’a jamais autant bossé. C’est que ça prend du temps le mauvais management.

L'happycrate-hystéro

Sa mission ? Bouter la déprime hors de l’entreprise. C’est le chief happyness officer de la boîte et son cri de guerre est « Comment vas-tuuuuuuuu ? » Avec son sourire forcé et son bonheurisme dégoulinant, il peut débouler sur votre écran à n’importe quel moment de la journée. Ou votre messagerie, ou votre téléphone, n’importe quel canal lui convient pour déverser sa bonne humeur forcée, censée être contagieuse. Avec la Covid, il prend son rôle très au sérieux mais personne ne le prend plus au sérieux. Quand il tente de connaître votre météo mentale, vous sortez votre plus beau smile, avant de raccrocher en prétextant un appel. C’est bien que l’entreprise se soucie du moral de ses salariés à distance, mais ce serait bien qu’elle évite d’envoyer un clown.

Le coucou

Ce qui est bien avec le télétravail généralisé, c’est qu’on a pu rappeler des évidences oubliées. Par exemple qu’il faut un ORDRE DU JOUR à une réunion (pardon j’ai crié). Cette invention est l’arme anti-perte de temps quand tout le monde la respecte. Ça, c’est dans un monde idéal. Car chaque réunion a son coucou. Le mec ou la nana qui n’a rien à faire là et qui vient aborder un sujet inconnu à l’ordre du jour. Comme le coucou qui prend la place des oisillons légitimes, le coucou du télétravail se fait une joie de détourner une réunion à son profit. Le repérer et l’évincer en désactivant son micro, juste là.

Le nudger

Depuis qu’il a découvert le « nudge », il s’en sert tout le temps et avec tout le monde. L’air de ne pas y toucher bien sûr. Nudger, ça consiste à faire de l’incitation douce, c’est donner le gentil « coup de coude » (nudge en anglais) qui stimule l’urgence à finir ce projet dans notre propre intérêt bien sûr. Avec un innocent message du type « Sur ce projet, Irin, Jo, Nico et Lolo ont tenu le délai, tu nous préviens quand tu as fini aussi ? », il obtient ce qu’il veut. Et à coups de « Vous êtes des génies » qui font marrer tout le monde, il s'impose comme chef du projet ni vu, ni connu. Manipulation ? Mais non, c’est du nudge on vous dit, c’est inoffensif. Dans la gare d’Amsterdam, un visuel de mouche collé au fond des urinoirs des toilettes a incité les hommes à ne plus en mettre à côté… et fait économiser des frais de ménage. Depuis qu’il a appris le b-A-BA, le nudger, lui, en colle partout.

Et vous, vos boulets du télétravail, à quoi ressemblent-ils ?

N'hésitez pas à les partager,

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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