
A force de nous répéter que l’argent ne fait pas tout, que le salaire on s’en fout et que ce qui compte c’est la quête de sens et le bonheur éprouvé en allant bosser, ça nous pendait au nez. Surtout quand une pandémie a sévi et que les salariés ont du mal à quitter leur poste.
Great appât
Dans cette guerre pour attirer les talents, les boîtes investissent encore plus qu’avant dans la promo sur les "great "conditions de boulot tellement sympas, et leur happy qualité de vie au travail trop bien. Si cette communication, et la marque employeur, correspond à la réalité, on applaudit. Mais s’il ne s’agit que d’un simple appât destiné à attirer des candidats sur-sollicités par ces temps de pénurie, on sourit et on s’attend à voir le hashtag #greatwashing refleurir.
Car ces pratiques ont été astucieusement dénoncées dès 2019 dans une tribune censée mettre les pieds dans le plat du greatwashing et publiée par des enseignants chercheurs français.
>>>> Tribune parue dans La Tribune le 15 avril 2019 : Qualité de vie au travail : bienvenue dans l’ère du « greatwashing »
Mais que vaut une prise de position universitaire dans la presse économique face à un déferlement de paroles sirupeuses vantant le sex appeal de tel employeur sur les réseaux sociaux professionnels ? Surtout si elles sont émises par des salariés de ces mêmes boites, consentants ou saisis du syndrome de Stockholm.
Green précédents
Dans le même genre, on se rappelle de fameux précédents. Au temps d’avant la pandémie, ces boîtes voulaient absolument apparaitre plus vertes que vertes. C’était simple : toutes les entreprises, même les plus polluantes, fonçaient tout droit vers la décarbonation. Il fallait retenir leurs dirigeants pour qu’ils n’adhèrent pas à Europe Ecologie Les Verts (EELLV). On s’est évidemment aperçu rapidement que ces manœuvres n’étaient parfois que du vent, et pas de celui qui fait tourner les éoliennes. Ainsi, sur les réseaux sociaux, les annonces mystificatrices se sont vues affublées d’un #greenwashing qui remettait l’église au milieu du village d’une écologie qui lave plus blanc que la réalité de l’entreprise.
On connaissait le Bullshit, décliné en #pinkwashing (faussement « gender oriented »), #greenwashing (faussement écologique), et maintenant le #greatwashing (decalage organisationnel entre ce qui est possible affiché et la réalité). https://t.co/kvZhLzs2N0 pic.twitter.com/Z1Wwci3Vo5
— Elodie Laye Mielczareck (@lasemiologie) April 14, 2022
Greatwashing
Aujourd'hui, de nombreuses entreprises continuent d'entretenir l’illusion du bonheur sur les réseaux sociaux. Ce filet d’eau tiède noie les communications sincères, celles de boîtes qui font réellement des efforts pour améliorer la qualité de vie au travail.
Elles sont perdues au milieu des leurres, des entreprises qui se présentent sous leur meilleur jour alors que leurs propres salariés les fuient.
Mais en même temps, les réseaux sociaux ont organisé la résistance. Et les entreprises qui continuent de pratiquer ce greatwashing devraient être conscientes du danger qui leur pend au nez. Car la dénonciation a pris de l’ampleur, et les dégâts sont de plus en plus irréversibles.
Liste des groupes anti-greatwashing
Il suffit de faire un tour sur les pages de ces hérauts de la résistance :
- Neurchi de flexibilisation du marché du travail (abréviation : NdFlex) créé en 2019 par un étudiant de l'ESCP, est un groupe de partage de contenus sur les dérives du monde de l'entreprise. Il compte près de 170 000 membres sur Facebook, 23 000 sur Twitter où le compte se présente comme un "exutoire sarcastique d'une jeunesse professionnellement désenchantée", et est présent sur Instagram, Youtube, Twitch ou Spotify. Une page Wikipedia lui est même consacrée.
- Le compte Disruptive humans of Linkedin désormais sur Twitter rassemble plus de 75 000 abonnés.
- et la NL Techtrash a dépassé depuis longtemps les 30 000 abonnés
Première parution : 27 septembre 2021. Mise à jour : 6 juin 2022
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.