Publicis ou la carte de vœux en version sombre mais lumineuse

Sylvia Di Pasquale

La traditionnelle carte de vœux des boss de Publicis assume de délaisser le futile pour l'utile. Pour la bonne cause.
Publicis ou la carte de vœux en version sombre mais lumineuse

Une carte de vœux d’entreprise, devenue un classique du mois de décembre, et un marronnier de Cadremploi, doit elle refléter les peurs et les malheurs, toutes légitimes soient-elles, de son dirigeant ? La réponse, instantanée, pourrait prendre la forme d’un grand NON. 

Mais ce serait trop simple.

Comme à leur habitude, Arthur Sadoun, le patron, et Maurice Lévy, le président du conseil de surveillance de Publicis, se retrouvent devant la caméra pour adresser à l’interne (pardon à « leurs équipes »), à leurs clients (pardon, leurs « partenaires ») et au monde entier leur vœux de fin d’année. Et comme l’an passé, le boss évoque le cancer, celui dont il souffre, et celui dont tant de monde souffre, en exhortant les spectateurs à se faire dépister et à se faire vacciner contre les papillomavirus humains, excellents transmetteurs de ces maudits crabes. 

Mais contrairement à l’année dernière, les duettistes accueillent un guest, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Michael Douglas, lui-même victime d’un cancer. Passons sur le trait d’humour où Maurice Lévy appelle la star américaine « Michael Douglasse », et que ce dernier le corrige en lui expliquant que c’est « Michael Deuglass » pour nous intéresser au fond du problème. Car si la séquence des vœux est très longuement dédiée au fléau, ce n’est pas anodin, et pas liée à la seule petite personne du boss de Publicis. 

Au début du film de 2mn24, Lévy jubile et égrène les excellents résultats du groupe. Sadoun le coupe très vite pour évoquer le cancer, en l’occurrence, son gros facteur, le papillonavirus. Le vieux président s’inquiète, en lui rétorquant qu’ils sont là pour répéter le film des vœux, « et en principe, cette année, on finit comme ça ». Et d’envoyer des images du film Les minions, ou les petites créatures jaunes s’éclatent au cours d’une joyeuse fête. Mais son successeur ne lâche pas le morceau, et la lutte contre le cancer va occuper toute la dernière partie du spot. 

Grâce à ce scénario, Publicis tape une fois de plus dans le mille en opposant les anciens et les modernes, la génération L comme Lévy, à la génération S comme Sadoun. La communication par le bonheur, c’est pour les boomers, personne n’y croit plus. 

La société est anxieuse devant la montagne de problèmes qui se dresse devant elle ? Sadoun et son groupe sont comme elle. Publicis se veut en phase avec les consommateurs. Reste un risque, un phénomène de rejet possible, qui peut amener le fameux consommateur à refuser qu’on lui tende un tel miroir en noir. Mais si Lévy égrène une fois de plus la croissance à deux chiffres du groupe au cours des vœux de l’an prochain, Sadoun aura gagné son pari.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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