La solitude des "non-stop" face aux "reprenants" survoltés

Sylvia Di Pasquale

DECONFINEMENT - Les salariés qui depuis le début du confinement n’ont pas arrêté peuvent voir arriver ce 11 mai avec une certaine appréhension. Non seulement ces "non-stop" sont usés par 55 jours de bureau à la maison, mais ils voient ce lundi débarquer les « reprenants », ceux qui étaient au chômage partiel, et qui risquent de les submerger de travail pour rattraper le temps perdu.
La solitude des "non-stop" face aux "reprenants" survoltés

Editorial – Et si le déconfinement était pire que le confinement pour certains ? Pas en matière de liberté de circulation s’entend, mais en surcharge de boulot. En dehors des soignants, j’ai une pensée pour tous ces télétravailleurs confinés d’hier, devenus télétravailleurs déconfinés d’aujourd’hui. Car ce lundi 11 mai, ce n’est pas le choc des 100 kilomètres que chacun pourra faire sans attestation qui va marquer la journée, mais plutôt les retrouvailles entre ceux qui étaient au chômage partiel, et ceux qui n’ont jamais cessé de turbiner.

Les "non-stop" face aux "reprenants"

Les premiers ont hâte de reprendre et de rattraper leur retard, et les seconds ne sont pas forcément ravis que les premiers leur tombent dessus. Car c’est bien ce que  craignent les "non-stop" : l’avalanche de mails concernant les dossiers en suspens durant le temps du confinement, les clients qui reprennent des commandes (dans le meilleur des cas), des fournisseurs qui exigent des ajustements, des prestataires qui attendent des validations, et des collègues arrêtés pendant tout ce temps qu'ils sont ravis de revoir mais qui font rien qu’à les embêter.

Il faut dire qu'eux, ils se sont reposé, bodybuildé les idées (pour certains), régénéré, et ils reviennent à partir du 11 mai, gonflés à bloc et pour beaucoup décidé à prouver qu’ils sont les hommes et les femmes sans qui l’entreprise ne peut pas redémarrer.

Résultat ? Des "non-stop" qui risquent d’exploser en vol. Si ce n’est déjà fait. L'alourdissement de la charge mentale pendant le confinement (éducation des enfants, repas, tâches domestiques et télétravail) ont conduit à des cas de burn-out. Selon l’avocate Sophie Reichman interrogée par l’Obs, le télétravail lui-même, sans même sa cohorte de désagréments serait largement suffisant pour engendrer un surmenage. « Les victimes de burn-out, qui sont de bons petits soldats, souffrent généralement d’un manque de reconnaissance. Or le travail à distance ou le chômage partiel nous font perdre le contact avec nos collègues. Il y a là une forme de distanciation et de désocialisation qui peut aggraver l’isolement, voire la relégation de certains salariés. »

En ajoutant les effets cumulés d’un confinement compliqué et la déferlante des "reprenants" ce lundi, les télétravailleurs non-stop risquent d'être peu nombreux à voir le 11 mai comme une délivrance. Mais plutôt comme un dernier sas avant un retour à la normale. Un déconfinement progressif, comme tout le monde, et comme le gouvernement l’entend. Mais pour eux, il risque d’être plus explosif.

Le télétravail qui présente des vertus certaines, peut néanmoins conduire à une organisation pathogène du travail, une absence de marge de manœuvre, des injonctions contradictoires, une charge de travail intense, des repos insuffisants, une absence de reconnaissance statutaire, créant un sentiment d’échec et le burn-out.
Sophie Reichman, co-auteure de « Voyage au cœur de la souffrance, regards croisés d’un psychiatre et d’une avocate sur le burn-out et le harcèlement professionnel » (Editions J-C Lattès)
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Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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