Et si l’une des activités des humains en général, et des spécialistes des RH en particulier, consistait à réinventer l’eau chaude à intervalles réguliers ? Une pensée qui m’a traversé l’esprit en écoutant Mélanie. Professionnelle des ressources humaines, voilà qu’elle m’explique qu’elle est inscrite sur un groupe Whatsapp qui regroupe des pros comme elle, et qu’elle le consulte régulièrement, à chaque notification, en semaine comme le week-end. Pourquoi pas ? Sauf que pour Mélanie, c’est un acte un peu honteux. « Tu te rends compte, je fais du blurring ». Mais en quoi Mélanie la blurreuse est-elle différente des autres cadres, et des salariés du XXIe siècle ou de ceux d’avant ?
Qui ne blurre pas ?
Reprenons la définition de l’anglicisme inventeur de l’eau bouillante : « le blurring, chez les cadres, c’est l’effacement entre vie pro et vie perso ». En somme, si Damien suit un tuto sur le bon usage de ChatGPT après 20h, il blurre. Si je réponds à Claude qui m’apostrophe sur Linkedin un dimanche, je blurre. Si Albin jette un œil à des offres d’emploi en prenant son café, il blurre. Comme si on était la première génération à mélanger le perso et le pro…
En plus, ce mélange n’est pas l’apanage des cols blancs. Si une guichetière de la Banque Populaire reçoit un appel de sa sœur un lundi de Pentecôte pour lui demander conseil sur le déblocage de son compte épargne logement, elle ne va pas lui raccrocher au nez pour éviter de blurrer. Lorsqu’un maçon visite le Parthénon et s’interroge sur la manière dont ses ancêtres s’y sont pris pour ériger les colonnes, il ne va pas se prendre la tête dans les deux mains en hurlant, « mon dieu, mais je blurre ».
Le blurring, signe de vie
Bien sûr, le numérique a multiplié la pratique. Évidemment, les cadres sont plus enclins à mélanger le pro et le perso que les employés et les ouvriers, pour la simple raison que leurs horaires à rallonge et le télétravail plus fréquent les y poussent naturellement. Mais de grâce, inutile de réinventer l’eau chaude, et blurrons comme nos contemporains le font et comme nos ancêtres l’ont toujours fait. Parce que se former soi-même, s’informer, et être à l'affût de nouvelles opportunités plutôt que d’attendre que notre employeur le fasse, c’est une manière de donner du sens à son travail. Et de garder la main sur sa vie, nom d'un Yeti.
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Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.