Le DRH de Disneyland Paris invente la mobilité immobile

Sylvia Di Pasquale

Changer de poste ponctuellement sans changer de métier. Cette nouvelle façon de travailler chez Disney n’a pas vraiment de nom. Elle va pourtant révolutionner la vie de milliers de salariés du parc si elle est finalement adoptée. Et peut-être faire des adeptes dans d’autres entreprises françaises.
Le DRH de Disneyland Paris invente la mobilité immobile

On ne se repose pas à l’ombre du château de la Belle au bois dormant. Au service RH du parc Disneyland Paris, on cogite même sacrément depuis quelque temps. Et si le fruit de ces réflexions ne devrait pas révolutionner le code du travail, il pourrait bien faire tanguer la fameuse fiche de poste, bible des salariés, et créer un précédent sans équivalent. 

 

L’idée de Guillaume Da Cunha, le nouveau vice-président des ressources humaines depuis juillet dernier, est en somme toute simple, quoique inédite en France. Elle consiste à rendre certains salariés polyvalents sans changer de métier. En d’autres termes, les salariés pourront bel et bien être affectés à d’autres services que celui indiqué sur leur fiche de poste, mais « sur des activités qui présentent un squelette de compétences similaires», précise le DRH dans un entretien à lire sur le site Figaro Recruteur.

Imaginons : un hôtel du parc peine à remplir tandis que la centrale de réservation par téléphone aurait besoin de renforts ponctuels ? Plus besoin de recruter des CDD puisque l'hôtel pourra envoyer ses réceptionnistes donner un coup de main à la centrale. Ils sont déjà compétents en accueil du client et maniement du logiciel de réservation donc une formation complémentaire light devrait suffire. Même dépannage possible si une attraction a besoin de renfort tandis qu’un restaurant tourne au ralenti. Les serveurs.ses déjà aguerris au contact avec le client seront formés à la sécurité spécifique dans les attractions.

Bien sûr, toute américaine que soit l’entreprise, le parc est en Seine-et-Marne, pas en Floride. La tradition du salariat US d’être au four et au moulin ne traversera pas l’Atlantique, du moins pas aujourd’hui. Guillaume Da Cunha n’est pas Elon Musk qui demande à ses cadres de jouer aux livreurs de Tesla en cas d’embouteillage du service en question. 

Ce que le patron des RH de Mickey entend mettre en place est une version plus nuancée de polyvalence premium au sein de l’entreprise. Premium car il ne s'agit pas de rendre les employés interchangeables en leur faisant jouer les bouche-trous. Il s'agit plutôt de rendre transférables les spécialités de chacun (la vente, la relation client, l'accueil, etc.) à un autre service en les complétant.

Comment baptiser cette "mobilité immobile" qui consiste à se rendre polyvalent à l'intérieur d'une même filière métier de son entreprise ?

Les RH aimant donner un petit nom à chaque outil, chaque mesure et chaque nouveau système, l’invention du boss des RH de Mickey en France devrait bientôt avoir le sien :

  • Polyvalence interne ? Trop flou.
  • Polycompétence ? Trop jargonnant.
  • Permutabilité des compétences ? Trop chimique.
  • Flexisécurité à usage limité ? Trop long et trop français.
  • One work many jobs ? C’est anglais, ça claque mais c’est encore trop long.

On sèche. Alors si vous lecteurs, avez une idée, un nom de baptême à proposer, n’hésitez pas. On le transmettra à Guillaume Da Cunha.

Évidemment, ce chamboulement survient à un moment particulier. Celui d’un arrêt total des activités jusqu'à nouvel ordre (la date annoncée de réouverture étant toujours fixée au 11 avril). Une halte forcée qui coûte plusieurs centaines de millions d’euros par mois et place l’entreprise, et ses ressources humaines en mode survie. Il reste 15 000 salariés en CDI, dont 11 000 sont aujourd’hui en chômage partiel. D’où l’idée d'en flexi-sécuriser une partie dans ce minimum jugé à priori acceptable par les syndicats.

Pour le moment, le dispositif est dans une phase de test avec quelques salariés volontaires. L'entreprise devra en passer par un accord cadre signé par les partenaires sociaux s'il veut l'étendre à toute l'entreprise. Mais si l’accord est signé, il enjamberait la myriade de conventions collectives correspondant à autant de métiers différents dans le parc. Et il survolerait la sacro-sainte fiche de poste des salariés, sur laquelle leur tâche et leur affectation est clairement indiquée et qui, jusqu’à ce jour, est contractuelle.

Si elle est adoptée, verra-t-on, crise sanitaire aidant, la méthode Mickey faire jurisprudence ?

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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