Avez-vous une tête d’ "élite excédentaire" ?

Sylvia Di Pasquale

Un curieux phénomène vient d’être mis au jour par le Sunday Times. Alors que la tech américaine vient de connaître près de 170 000 licenciements l'an passé, le média britannique évoque ces milliers de cadres, parfois recrutés sans raison ces dernières années, loin d’être surchargés de boulot et dont le départ ne change pas grand-chose à la bonne marche de la boîte. Bien sûr, ces « inutiles jobs » sont typiques des Etats-Unis et ne sauraient concerner le vieux continent. Vraiment ?

Dessin de Charles Monnier pour Cadremploi

Avez-vous une tête d’ "élite excédentaire" ?
Dessin de Charles Monnier pour Cadremploi

170 000, c’est le chiffre avancé par le site layoffs.fyi qui tient à jour le décompte de licenciements dans la tech depuis la crise du Covid. Une catastrophe pour les salariés virés ? Pas toujours, puisque la pénurie mondiale de candidats a permis à 74% d'entre eux de rebondir rapidement selon une étude. Mais dans ce cas, ce sont les entreprises qui licencient qui sont en difficulté ? Non seulement parce qu’elles se séparent de leur utiles forces vives, mais parce qu’en plus, elles doivent faire face à des difficultés financières, d’où les charettes de licenciement.

Visiblement, les boîtes vireuses ne souffrent pas plus que ça. Du moins selon le Sunday times qui s’est penché sur leur cas.

Le média anglais a ausculté les cours de la bourse des licencieurs. Celui de Méta, qui s’est séparé de 11 000 salariés il y a deux mois est loin d’avoir plongé à Wall Street : il a repris du poil de la bête et sa valorisation a bondi d’un tiers depuis la charrette. Et il en va de même pour la plupart des boîtes de la Silicon Valley qui se sont séparé en masse de leurs salariés. Mais surtout, le Sunday Times a constaté que, dans ces entreprises de la tech américaine, « beaucoup de gens ne font pas grand-chose ». 

Le Sunday Times évoque carrément ces cas de salariés qui, pendant la pandémie, ont signé trois, voire quatre contrats de travail à plein temps et qui, malgré cette apparente surcharge, remplissaient parfaitement leurs objectifs dans chacun de leur job.

Autant dire que les adeptes du quiet quitting sont des stakhanovistes dévoués à leur boîte, comparés à ces cadres occupés à faire du vent. Du coup, les entreprises américaines qui se sont séparées de ces désœuvrés  n’ont pas vraiment eu à souffrir de leur départ. Car comme à chaque fois que surgit un nouveau phénomène, celui-ci a été nommé. Alors voici les « élite excédentaire » qui sonne de manière beaucoup moins péjorative que « masse salariale inutile ». Une masse qu’il convient d’ailleurs de différencier des « bullshit jobs ». Car si ces derniers semblent inutiles selon les gens qui les occupent, ils ne le sont pas pour leurs employeurs qui, la plupart du temps, ne se rendent pas compte de l’inanité des jobs en question.

Évidemment, on peut s’interroger sur la naissance de ce phénomène qui a conduit à cette "élite excédentaire". Pourquoi, au temps de la pandémie, les géants de la tech ont-ils recruté à tour de bras des gens dont ils n’avaient aucun besoin ? Plusieurs raisons peuvent expliquer cette éclosion de jobs inutiles. Tout d’abord, les GAFAM ont engrangé suffisamment de cash durant le Covid pour dépenser leur argent de toutes les façon possibles. Alors pourquoi pas en recrutant des gens avant que leurs concurrents ne leur tendent les bras ? De plus, en matière de com, recruter à grande échelle est toujours signe de bonne santé. Enfin, comme on est en Amérique, il est très facile de s’en séparer le moment venu. L’opération est donc (relativement) peu onéreuse.

Bien sûr, cette histoire ne saurait traverser l’Atlantique. De telles pratiques ne sauraient se dérouler ailleurs qu’aux US. Ce n’est pas chez nous, dans la vieille Europe, et surtout pas en France, que dans quelque entreprise que ce soit, on en viendrait à douter de l’efficacité, et de la charge de travail de tel ou tel cadre. N'est-ce pas ?

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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