
La bonne vieille idée de la caméra cachée
Et si la meilleure marque employeur d’une entreprise consistait à en passer par le pire ? C’est de la facétieuse Mathilde Le Coz, DRH du cabinet Mazars, qui, en renversant la table de la boîte bienveillante avec ses salariés, a réussi à démontrer qu’elle l’était plus que jamais.
Un concept tordu ? En réalité, il est tout simple, comme toutes les bonnes idées. Il suffit de cacher quelques caméras dans une salle de réunion, et d’embaucher un comédien, en l'occurrence l’intraitable Gonzague. Celui-ci se présente en tant que "consultant en marque employeur" justement, et devant des collaborateurs médusés et piégés, puisqu’ils ne sont pas au courant de l’entourloupe, il sort la sulfateuse. Le résultat tient dans une courte vidéo de moins de 4mn, largement diffusée et largement saluée.
Tester la capacité à résister aux diktats débiles
En guise d’amuse-bouche, le super pro de la com RH leur explique qu’ils doivent poster chaque jour sur Tiktok. Une salariée de Mazars lui réplique qu’elle n’a pas envie devenir influenceuse et Gonzague enfonce le clou : « que vous le vouliez ou non, c’est obligatoire », en ajoutant qu’il suffit de débarquer chez les clients en mode « salut les Loulous ». Passablement à cran, un collaborateur junior, s’oppose, et se pose des questions. « J’ai 25 ans, mais c’est peut-être moi le vieux con ».
Déjà bien atterrés, les salariés n’en sont pourtant qu’au début du festival des horreurs. Car après l’influence tiktokienne, Gonzague leur explique que désormais, le dress code du week-end doit être le même que celui de la semaine : "veste et chemise pour les hommes". Et aux réticences nombreuses, le consultant assène « laisse faire les pros ».
Tout le petit film est ainsi ponctué de sentances terribles. La bienveillance en entreprise ? « C’est tellement old school ». À un manager sonné, Gonzague explique que son problème, « c’est d’être apprécié des équipes ». Le show continue avec une nouvelle idée : élire le salarié le moins performant du mois, à l’aide d’un vote anonyme. Les collaborateurs hurlent à la délation, menacent d’aller se plaindre à la RH, mais le consultant ne lâche rien, et livre ses conseils : « votre succès vous le ferez en écrasant les autres. D’un dauphin, il faut en faire un requin ».
Évidemment, avant que la DRH ne soit prise d’assaut, Gonzague dévoile la supercherie, désigne les caméras cachées et les salariés estomaqués se remettent à respirer.
Ils ne sont pas chez Mazars par hasard
Cette démonstration épatante permet évidemment à Mazars d’inverser les rôles et d’expliquer que le cabinet est à l’inverse de ce que le faux coach souhaite en faire. Le pari est donc largement gagné, et l’on pense immédiatement à la fameuse expérience de Milgram, comme le rappelle Laurent Choain, le super DRH de Mazars, dans un post sur Linkedin.
Sauf qu’au cours de son test, que le psychologue Stanley Milgram a réalisé dans les années 60 aux Etats-Unis pour mesurer le degré d’obéissance à l’autorité, le résultat indiquait que 62,5 % des individus s’y soumettaient. A l’inverse, Mazars serait plutôt un repaire de rebelles, même si l’on ignore le pourcentage de « soumis » qui ont approuvé les méthodes de Gonzague et qui ont été coupés au montage.
Mais Mazars est une entreprise, pas une grande fac américaine. Son siège est à la Défense, non à Yale et ses visées ne sont pas scientifiques, mais commerciales, sans que ce terme ne soit entaché d’opprobre. Et le message que le cabinet a voulu faire passer, à coups de collaborateurs qui conservent leurs valeurs, et celles de l’entreprise qu’ils ont choisi, est parfaitement retranscrit : venez, libres, comme vous êtes.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.