Présentiel vs distanciel : la grande battle de l’année à surveiller

Sylvia Di Pasquale

TELETRAVAIL – La question du télétravail divise les entreprises. Depuis la fin du confinement, la grande affaire du retour au bureau déclenche des disputes même au sein des codirs. Et ce partout dans le monde. D’un côté, des CEO autoritaires – plutôt boomers – ordonnent à leurs troupes de revenir en menaçant les salariés récalcitrants de sanction. De l’autre, des dirigeants plus pragmatiques préfèrent ménager leurs troupes à coup d'hybride et d’horaires flexibles, de peur de perdre leurs "talents". Entre oukase et empathie, qui gagnera ?
Présentiel vs distanciel : la grande battle de l’année à surveiller

 

La grande battle du retour au bureau a commencé et ça s'affronte dans les codirs. Les combats à coup d'arguments plus ou moins fondés font rage entre des dirigeants qui veulent avoir leurs troupes sous les yeux, et leurs DRH (mais pas que) qui souhaitent ouvrir la vanne du télétravail, histoire de soigner la marque employeur et de pouvoir attirer les meilleurs et de conserver les bons.

 

Retour au bureau : la méthode musclée 

A New York, chez les grands de la finance de Wall Street, une ligne pro-présentielle se dessine. James Gorman, 62 ans, le patron de Morgan Stanley a sifflé la fin de la récré, en déclarant :

Si vous voulez être payé au tarif de New York, vous travaillez à New York. "Je suis au Colorado et je suis payé comme si j'étais à New York", désolé. Ça ne marche pas.

Même exigence de retour au bureau lancée par David Solomon, 59 ans, le PDG de Goldman Sachs. Pour lui :

le télétravail est une aberration que nous allons corriger dès que possible.

Et pour Jamie Dimon, 65 ans, le PDG de JPMorgan, il est également essentiel de faire revenir les gens au bureau.

Nous pensons sincèrement que travailler ensemble et en présentiel est important pour notre culture, nos clients, nos activités et nos équipes
Communiqué JPMorgan cité par l'AFP

Retour au bureau : la méthode douce

A l’inverse, du côté des géants de la tech, on trouve davantage d'adeptes de la méthode douce.

Sundar Pichai, 49 ans, PDG de la maison mère de Google, a préféré basculer en mode hybride et offrir de la flexibilité. Sur les 140 000 salariés du géant californien, seuls 20% resteront en télétravail, 20% auront la possibilité d’être transférés dans d’autres bureaux aux Etats-Unis, au Brésil, en Inde ou en Europe. Les autres salariés pourront répartir leur temps entre présentiel et distanciel dans le lieu de leur choix.

Même empathie chez Facebook qui autorise depuis le 15 juin ses salariés qui peuvent travailler à distance à rester en télétravail. Mark Zuckerberg a même estimé que la moitié des salariés pourraient travailler à distance d’ici 10 ans. En revanche, s'ils déménagent, leurs salaires seront recalibrés pour s’adapter au niveau de vie local !

Négo en cours chez Apple. Tim Cook, le directeur général de la firme à la pomme, pensait avoir compris ses troupes en imposant une présence au bureau seulement 3 jours par semaines à partir de début septembre.

 

Je sais que je ne suis pas le seul à regretter le bourdonnement de l'activité, l'énergie, la créativité et la collaboration de nos réunions en personne, ainsi que le sentiment de communauté que nous avons tous construit;
Tim Cook

Sauf qu’une partie du personnel n’est pas d’accord et le lui a fait savoir en menaçant tout simplement de démissionner.  

Hybride pour tous mais déménagement pour quelques uns

 

Dans les entreprises françaises comme partout, la battle entre les défenseurs du distanciel et les adorateurs du présentiel va se poursuivre durant tout l’été, mais il est fort à parier que dès la rentrée, le travail hybride sera majoritairement adopté.

Car, le pli étant pris, aucun cadre n’aura de difficulté à obtenir une journée, voire deux au maximum de télétravail. Mais ce n’est pas suffisant pour déménager à la Motte-Beuvron. Sauf si l’on est l’un de ces experts hyper courtisés, et très bien payés. L’un de ces privilégiés qui, à l’avenir sera encore plus privilégié et pourra travailler au vert tout au long de la semaine.

Mais de combien de cadres parle-t-on ?

Exode rural vraiment ?

Selon la fable en vogue, l’exode massif vers les campagnes est en cours. Une horde de cadres boucherait actuellement les autoroutes A6 et A10 pour fuir Paris vers les régions, pour plus de verdure, plus de zooms et plus de télétravail, histoire d’avoir le beurre (l’espace, le bon air et l’immobilier au raz des cacahuètes) et l’argent du beurre (des salaires parisiens bien meilleurs qu’en province). Sauf que ces cadres ne sont certainement pas assez nombreux pour justifier des embouteillages vers la verdure et surtout pas pour envisager une tendance lourde et médiatiquement dans l’ère du temps : celle de la fuite des cols blancs vers nos belles régions.

Les autres cadres, bien plus nombreux et ultra majoritaires font ce qu’ils peuvent pour ne pas perdre leur job, de peur de ne pas en retrouver un tout de suite comme celui qu’ils occupent, avec un salaire parisien. De peur, aussi, de se faire corneriser et de passer à côté des opportunités en interne. Et tant pis pour la qualité de vie.

Car dans la vraie vie, les entreprises en ce moment sont, soit en pleine convalescence après un an en navigation à marée basse et, pour celles (et il y en a) qui n’ont pas subi la crise, elles ne savent pas de quoi demain sera fait.

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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