
C’est du lourd : 500 pages rédigées pendant un an par 26 économistes internationaux et déposés sur le bureau du président de la République mercredi dernier.
Ça s’appelle « Les grands défis économiques » et ces 26 cerveaux se sont attaqués aux difficultés structurelles de la France, pas aux petits défis trop fastoches.
Leur rapport embrasse tout et le reste. Du vieillissement de la population française aux défis climatiques en passant par la montée des inégalités, les chercheurs, dirigés par le prix Nobel Jean Tirole et l’ancien économiste en chef du fond monétaire international Olivier Blanchard, ont passé au crible des montagnes de chiffres pour en tirer des conclusions et tracer la voie à suivre.
Quels types d'emplois voulons-nous laisser à nos enfants ?
Et notamment du côté de l'emploi, ils se sont attaqués à cette belle question philosophique qui ne risquait pas d'être vite répondue : quels emplois souhaitons-nous laisser à nos enfants ? Le rapport indique que pour éviter d’aggraver le gouffre de la société, avec des riches de plus en plus riches, des pauvres de plus en plus pauvres et une classe moyenne en capilotade, il faut focaliser la création d’emplois à destination de cette dernière catégorie. Fort bien. Mais pas n’importe quels emplois : des emplois "de qualité". Mais encore ?
Les Français craignent que les emplois de qualité disparaissent. Ils considèrent le libre échange, la mondialisation et l’évolution technologique comme des menaces pour leurs emplois.
Un emploi "de qualité" ne nait pas dans la Gig économie
Interrogés par nos confrères des Echos, qui se sont posé la même question, Stefanie Stantcheva et Dani Rodrik, profs d’économie à Harvard ont (un peu) défini ces fameux emplois. Pour ces spécialistes de la prospérité inclusive, qui ont rédigé cette partie du rapport consacré à l’emploi, il s’agit de jobs avec « un bon salaire, une sécurité relative, un certain degré de progression de carrière, l’accès à des formations ou des reconversions appropriées, des conditions de travail sûres et la possibilité d’épouser le style de vie standard de la “classe moyenne’’, avec une sécurité économique raisonnable et des perspectives d’épargne ».
Résumons : un emploi "de qualité" est un job :
- bien payé
- pas précaire
- évolutif
Et les deux chercheurs de préciser :
La formulation anglaise est "good jobs". Nous n’avons pas trouvé de traduction qui nous satisfasse totalement. "Emplois valorisants" ? "Emplois de qualité" ? Nous avons adopté la deuxième formule, mais elle n’est pas parfaite.
Une chose est certaine : une telle définition ne saurait attiser la moindre opposition. Pas un seul membre de l’échiquier politique, du plus radical au plus extrême centriste, ne saurait s’ériger contre cette vision du boulot de qualité.
Comment laisser des emplois "de qualité" aux générations suivantes ?
Reste à trouver les moyens pour accéder à ce graal qui n’en est pas un, puisque, après tout, c’était le quotidien de la fameuse classe moyenne durant les Trente glorieuses. Comment le retrouver ? Nos économistes nostalgiques ont la solution sous la forme de deux propositions.
1/ Il souhaite tout d’abord créer une administration de plus, en charge d’aider les entreprises à améliorer l’emploi. Une sorte de Pôle emploi destiné à soutenir les salariés qui ont un job, plutôt que de les récupérer lorsqu’ils n’en ont plus.
2/ La seconde proposition implique elle aussi l’Etat, puisque les économistes lui conseillent d’intégrer cette notion d’ « emploi de qualité » dans ses mesures d’incitation fiscale ou d’aides au développement. En somme, pour avoir des subventions ou payer moins d’impôts il faut montrer patte blanche et pratiquer le mieux-disant salarial.
Deux idées plutôt intéressantes, à condition qu’elles ne se heurtent pas au murs blindés de la ligne Maginot de l’administration publique qui n’a, au grand jamais, démontré son efficacité, en matière de politique publique de l’emploi.
Une affirmation gratuite ? Elle figure dans le rapport des économistes qui, certes, passent les patins aux pieds pour le dire, en expliquant que ces politiques publiques, « affichent un bilan peu convaincant ».
Pour retrouver en France des emplois "de qualité", sans la croissance qui va avec, et qui a permis de les créer entre les années 50 et 70, les économistes recommandent donc de commencer par concevoir une administration publique de qualité. Et pour y parvenir, les sages de l’économie proposent d’en créer une supplémentaire.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.