« Chuis zoom fatigué »

Sylvia Di Pasquale

On est abruti, épuisé, fatigué. Au bout d’une journée à enchaîner des Zooms, Teams ou autre Skype, on n’en peut plus et ce, quelle que soit la plateforme de visio que l’on utilise depuis un an. Désormais on "zoome" comme on "googlise", le mot est entré dans la langue commune de tous les télétravailleurs. Mais pourquoi cette curieuse fatigue, alors qu’on passe nos journées sans bouger, rivé à notre écran où l’on regarde défiler des gens ?

Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

« Chuis zoom fatigué »
Dessin de Charles Monnier ©Cadremploi

Cette question, qu’on se pose à chaque migraine post-zoom, un chercheur de Stanford se l’est posée, car lui aussi passe sa journée à discuter avec ses collègues devant son ordi. Alors il a posé 15 questions autour des usages de zoom à 500 personnes et en a tiré une étude déduisant quatre raisons essentielles qui font que l’homo-sapiens est super fatigué après une journée de visio intensive.

 

Trop de visages à regarder

En premier lieu, Jeremy Bailenson, le prof de Stanford qui a les yeux qui piquent et des migraines le soir, a constaté que cette fatigue naît du trop de têtes trop grandes à regarder, trop d’attention en continu avec trop de collègues. Son conseil : ne plus faire de zooms en mode plein écran, pour réduire la taille des visages et diminuer ainsi le stress du "trop".

 

Trop d’autoportrait

Il a également constaté un autre phénomène qui induit la fatigue : c’est tout bonnement le fait de voir sa trombine affichée à l’écran tout le temps. C’est un fait : lorsqu'on participe à une visio, on se voit, comme on voit les autres. Et le prof d’expliquer que c’est comme si, lorsque l’on parlait à quelqu’un dans la rue, ou au bureau au temps d’avant, on se voyait systématiquement dans un miroir. De quoi rendre dingue un moine bouddhiste. Mais là encore, Bailenson livre la solution : un petit coup de clic droit sur sa propre image et sa propre trombine disparaît. On peut être un ponte de Stanford, tout en étant un peu geek.

 

Pas assez d’exercice

Le troisième fléau du zoom, toujours selon le professeur Bailenson, est une évidence : si on est fatigué après un enchaînement de visio, c’est parce que l’on ne bouge pas. On essaie tous de faire bonne figure, de se tenir droit devant l’écran. Et il y a peu de chances de s’en échapper pour se lever tout en continuant à suivre une réunion virtuelle. La seule solution consiste donc à éteindre sa vidéo en conservant l’audio de temps à autre, en faisant les cent pas.

 

Trop de sur-jeu

La dernière raison invoquée par le chercheur américain tient dans la tension, et la fatigue qui s’ensuit, induite par la difficulté d’interprétation des gestes et des indices de nos interlocuteurs. C’est un réflexe naturel : nous tentons inconsciemment d’interpréter ce que ne disent pas les autres. Et si de visu la chose est aisée, elle l’est beaucoup moins en visio. D’où la tendance que nous appliquons, lors des zooms, à exagérer nos gestes. On hoche la tête plus qu’à l’accoutumée, on lève le pouce, on rit plutôt que de sourire : on est en représentation permanente. Et dans le même temps, on essaie de décrypter les signaux des collègues. C’est beaucoup. Et dans ce cas, le prof n’a pas de solution miracle, sauf à conseiller des pauses dans les longs zooms. Des pauses pendant lesquelles on se contentera du son, plus reposant que l’image.

 

A ces quatre préceptes du professeur Bailenson on peut en rajouter un cinquième : limiter le nombre de zooms pour ceux qui les enquillent heure après heure, chaque jour de la semaine. Il n'est pas si compliqué d’expliquer à ses supérieurs comme à ses collaborateurs, qu’on lève le pied pour cause de fatigue, qu’on coupe la caméra à cause du stress. Alors en attendant que la situation sanitaire s’améliore, on ne subit plus les visio. Et on se prépare à aimer à nouveau les réunions en vrai.

 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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