
L’innovation ? Elle fait avancer le monde, ou le fait régresser, selon l’usage que l’on en fait. Parfois, la bougresse avance même en douce, se sachant interdite. C’est le cas de ces petits gadgets tout droit sortis d’un énième James Bond. Ils n’ont qu’un but : espionner le télétravailleur qui, c’est bien connu, ne pense qu’à faire une lessive ou un barbecue dès que le chef a le dos tourné. Ils sont prohibés en France mais pullulent aux Etats-Unis depuis le Covid.
Le pire traverse parfois l’Atlantique plus vite qu’un catamaran de la Route du Rhum. C’est ce qu’ont dû se dire les juges de la Cnil. Dans le rapport annuel que la Commission nationale de l'informatique et des libertés vient de livrer, le gendarme du numérique nous en apprend de belles. Ainsi, en 2021, sur 100 plaintes relatives à l’espionnage des salariés en général, 83 concernaient la surveillance à distance des télétravailleurs.
Ainsi, en 2021, sur 100 plaintes relatives à l’espionnage des salariés en général, 83 concernaient la surveillance à distance des télétravailleurs.
Mais de quoi peuvent bien se plaindre ces homeworkers qui ont déjà la chance de pouvoir aller au bureau en pantoufles ? Il se trouve que parfois, leur entreprise, qui leur fournit tout le matériel informatique nécessaire pour bosser à la maison a la bonne idée d’installer un enregistreur de frappe relié à leur clavier. C’est évidemment totalement interdit et, en plus, ne révèle en rien, l’inactivité du salarié qui peut passer ses journées à commander ses maillots de bain estivaux sur Veepee, sans que son employeur s’en aperçoivent puisque le clavier sera tout aussi agité que si le collaborateur travaille sur un dossier de manière acharnée.
A moins qu’il n’ait recours à d’autres systèmes cachés, comme la récupération d’historiques de navigation, ou des captures d’écrans effectuées en douce. Des systèmes parfaitement opérationnels et parfaitement interdits aussi. Comme est interdite l’obligation faite au salarié de garder sa caméra allumée lors des réunions en visio. C’est une autre plainte récurrente adressée à la Cnil. Certains employeurs considérant sans doute qu’il faut être en tenue de ville pour s’adresser à ses collègues, et que si l’on coupe l’image, c’est qu’on est fashionistiquement fautif.
Reste que ces outils, ou ces manœuvres de flicage, sont un aveu de la part des employeurs et des managers qui les mettent en place. Car s’ils considèrent que leurs collaborateurs ne travaillent pas dès qu’ils ont le dos tourné, c’est qu’eux même n’ont qu’une confiance limitée dans leur gouvernance, dans leur talent à motiver leurs troupes, et dans l’intérêt du travail qu’ils leur confient, puisque ces troupes ne pensent qu’à le fuir.
Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.