Workaholic la ministre du Travail ? Et alors !

Sylvia Di Pasquale

Selon son entourage, Elisabeth Borne serait intraitable, essorant ses équipes avec des amplitudes horaires très très loin des 35 heures. Mais est-ce qu’une telle fonction n’implique pas une telle implication ? Et si l’on travaillait autant dans le public que dans le privé ? De quoi sècher quelques mauvaises langues affirmant que la politique est le royaume de la glande.

Travailler beaucoup, c'est le lot de tous les ministres.

Workaholic la ministre du Travail ? Et alors !
Travailler beaucoup, c'est le lot de tous les ministres.

C’est un article curieux qui, avec l’air de ne pas y toucher, dézingue le management d’Elisabeth Borne. Nos confrères de France Info, s’appuyant sur les témoignages de ses ex-collaborateurs, dessinent en creux le portrait de la première Première ministre depuis Edith Cresson. Selon ceux qui ont bossé avec elle dans ses différentes fonctions précédentes, elle serait trop exigeante, essorant ses équipes, avec des amplitudes horaires allant de 8h à 22h30. Une manière de travailler qui lui a valu le sobriquet de « burn out » (admirez l'homophonie).

Des propos néanmoins contrebalancés par des témoignages expliquant qu’elle « est tout aussi exigeante avec elle-même ». Il n’en reste pas moins que, lorsque « elle vous appelle directement à 23h30. Vous êtes là pour répondre et avoir un avis sur le sujet »

Sans pourfendre ni défendre la politique de la dame de Matignon, ni trancher dans le débat que nous avions ouvert sur les bienfaits et les méfaits du workaholisme, remettons néanmoins l’église au milieu du village, ou plutôt le chef au milieu du gouvernement.

Quel est le rôle d’Elisabeth Borne ? Elle doit fixer une feuille de route à une administration composée de milliers de fonctionnaires et d’un cabinet pléthorique. En parallèle, elle est obligé de composer avec ses ministres, tous animés par un ego surdimensionné sans lequel il est rare de décrocher un tel poste. En outre, elle devra assurer les relations avec la future majorité qui sortira des urnes lors des prochaines législatives, si celle-ci lui permet de conserver son poste. Par-dessus le marché, elle doit gérer, au quotidien, toutes les crises qui se présentent, et l’époque n’en manque pas. Comme l’expliquait l’un de ses prédécesseurs, Edouard Philippe, aux manettes lors de la première phase du Covid, « le boulot de Premier ministre, c’est trancher entre deux mauvaises décisions, et choisir la moins pire ». 

Toutes ces données, les anciens collaborateurs d’Elisabeth Borne, comme les nouveaux, en étaient, et en sont, totalement conscients. 

Lorsqu'on travaille au sommet avec un (ou une) gros bosseur (ou bosseuse), l’air est rare. C’est plus qu’un full time job : c’est un métier de moine, où les week-ends et les vacances sont de l’ordre de la science fiction.

Un métier, aussi, que l’on ne peut exercer plus de quelques années, d’où la valse des nominations aux postes ministériels comme dans leurs cabinet. 

Cette règle est valable dans le public comme dans le privé. Après son départ de la direction de PSA (avant que Peugeot – Citroën ne devienne Stellantis) pour des ennuis de santé, le PDG Philippe Varin, a expliqué que la première chose qu’il a découvert en quittant son job, « c’est que les nuits de sommeil pouvaient durer au moins 6 heures ».

Et puis, cette face cachée de la fonction ministérielle, dans la lumière d’un portefeuille, comme dans l’ombre d’un cabinet, est aussi une forme de réponse à tous ceux qui, sur les réseaux sociaux ou au bistrot, affirment, dès qu’il est question d’un homme ou d’une femme politique, qu’il ou elle « n’a jamais travaillé de sa vie » sous prétexte que ce ministre, député, ou maire, n’a jamais bossé dans le privé et que la vie d’un élu, ou d’un ministre désigné, consiste simplement à s’asseoir à l’arrière d’une voiture officielle pour s’en aller couper des rubans.

Et si, finalement, l’article de France Info était plutôt un hommage à la fonction de Premier ministre et à celle qui l’occupe, plutôt qu’un dézinguage en règle ? 

Sylvia Di Pasquale
Sylvia Di Pasquale

Je suis rédactrice en chef de Cadremploi depuis 2006, en charge de la rubrique actualités du site. Je couvre des sujets sur la mutation des métiers, l'évolution des rapports recruteurs/recrutés, les nouvelles pratiques managériales ou les avancées de la parité. A la fois sous forme de textes, d'émissions video, de podcasts ou d'animation de débats IRL.

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