Un profil entrepreneur, c’est quoi exactement ?
Quand une entreprise recherche un candidat aux qualités entrepreneuriales, c’est qu’elle recherche un candidat autonome, qui n’a pas besoin de chef pour lui dire ce qu’il a à faire. Un professionnel débrouillard, polyvalent, innovant, qui affectionne le travail en équipe et en mode projet, et qui ne rechigne pas à prendre des risques. « L’image que l’on a d’un entrepreneur est effectivement quelqu’un qui n’hésite pas à sortir de sa zone de confort pour s’adapter à des environnements très changeants. Bref, un candidat qui n’a pas peur du changement », résume Denis Monneuse, chercheur au sein de l’Institut de l’entreprise.
Pourquoi les recruteurs veulent-ils des candidats avec un côté entrepreneur ?
« Les générations Y et Z ont peur des grandes entreprises avec des organisations hiérarchiques très fortes et des processus pour tout. Elles veulent de l’autonomie », observe-t-il. Alors pour les attirer, les employeurs déploient de nouveaux arguments, notamment la notion d’entrepreneuriat, sous-entendu, vous serez plus autonome. « Les recruteurs surfent sur la vague des start-up qui attirent de plus en plus de jeunes et sur le fait que plus de 60 % des jeunes aspirent à la création d’entreprise. C’est un moyen de les attirer. Il y a quelques années, on insistait beaucoup sur la notion de créativité. Désormais, c’est l’entrepreneuriat », argumente Cyril Capel, dirigeant du cabinet CCLD Recrutement
Quelle réalité derrière l’offre d’emploi ?
Autrement dit, les candidats ayant une âme d’entrepreneur pourront-ils vraiment laisser libre cours à leur autonomie, créativité, prise de risques, etc. ? Sur le sujet, les avis sont partagés. « C’est une promesse illusoire. Dans les grandes entreprises, il n’y a ni liberté d’action, ni feuille blanche. Mais au contraire des feuilles de route bien tracées et bien encadrées », défend Jean Pralong, professeur en gestion des ressources humaines et titulaire de la chaire Nouvelles carrières à Neoma Business School. « À part dans les entreprises dites libérées, les organisations n’ont pas réellement changé. Un poste de commercial à pourvoir reste un poste de commercial avec des objectifs à atteindre. Qu’il s’appelle chef de publicité, gestionnaire de patrimoine, business développer,… C’est un job de commercial et pas d’entrepreneur », insiste Cyril Capel.
Toutefois, il existe des configurations d’entreprises pour lesquelles ces profils entrepreneurs semblent davantage justifiés. « Les entreprises qui travaillent en mode projet sans réelle ligne hiérarchique directe peuvent avoir besoin de ce type de profil plus entrepreneur », souligne Denis Monneuse. Idem pour les celles qui montent des start-up en interne. La marque de sous-vêtement Undiz vient ainsi de lancer Undiz Academy. Objectif : « recruter 7 jeunes entrepreneurs audacieux et ambitieux, à travers le monde, pour lancer des sites de e-commerce Undiz dans leur pays ». Ils auront un an et un budget de 300 000 euros chacun pour prouver que leur pays est le meilleur. « Recrutés en CDD d’un an à l’issue de plusieurs phases de sélection, ils devront s’engager, innover et prendre des risques en sortant du cadre. Ils ne sont pas là pour juste remplir une case dans notre organisation », insiste Sébastien Bismuth, directeur général d’Undiz. Pour ce dirigeant, « ce sont des profils qu’il faut avoir dans l’entreprise mais il ne peut pas y avoir que des entrepreneurs ». « Notre cabinet affiche l’entrepreneuriat comme une valeur. Pour autant, on ne peut pas faire tout ce que l'on veut quand on veut. Un entrepreneur n'est jamais complètement libre. Cette posture développée au sein d'une entreprise peut aider les salariés à comprendre qu'un entrepreneur a aussi des contraintes", précise Sylvie Baychelier, directrice générale du cabinet Arthur Hunt. Alors, faut-il croire que les recruteurs sont prêts à faire entrer des entrepreneurs dans leurs organisations ? La réponse est donc loin d’être tranchée. « Si les employeurs étaient réellement honnêtes, ils parleraient d’intrapreneurs, ou encore de collaboracteurs. Mais comme ces termes ne sont pas très connus et donc pas bien référencés, ils indiquent entrepreneurs », regrette Cyril Capel. Une solution de facilité qui ne doit quand même pas faire oublier que les candidats postulent à des jobs de salariés.
>> Lire aussi : Intrapreneurs : quels sont les obstacles à franchir pour réussir ?
Et vous, aviez-vous remarqué cette nouvelle tendance ? Quand vous lisez "profil entrepreneur" sur l'annonce, vous êtes attiré ou sceptique ? Dites-nous en commentaire ?
Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.