Est-il judicieux de dire à un recruteur que l’on a d'autres pistes ?

Céline Chaudeau

Il serait dommage de se faire piéger tant la question est attendue. Et même s’il est tentant de rester discret sur ses autres pistes, certains arguments de nos experts méritent réflexion…
Est-il judicieux de dire à un recruteur que l’on a d'autres pistes ?

Non, tant que l’on ne vous pose pas la question

Première chose : rien ne sert de se précipiter. « Je suis d'avis de parler de ses autres pistes, observe Stéphane Cloteaux, directeur du cabinet Strattitude RH. Il faut voir un entretien comme une négociation bilatérale. On n’est pas là pour faire plaisir à l'employeur, mais pour lui donner tous les éléments en jeu. » En revanche, nul besoin de se dévoiler d'emblée. « Il faut surtout attendre que le recruteur pose la question. Si le candidat l’évoque spontanément, il pourrait avoir l’air de faire pression. Dire que l’on est convoité si on vous pose la question peut donner de la valeur supplémentaire à une candidature. En parler d'emblée, c'est plus arrogant… »

 

Oui, pour montrer sa motivation

Car quand le sujet est abordé, plus question de se dérober. Et encore moins quand on est motivé par l’entretien en cours. « Si on a d'autres touches et que l'on préfère ce poste en particulier, il peut être très valorisant de révéler que l’on a d’autres pistes », commente Agnès de la Bourdonnaye. Pour l’auteure du guide "Trouver du travail : toutes les règles de A à Z", c’est justement l’occasion de réitérer sa motivation. « On peut révéler que l’on aura potentiellement d’autres propositions et insister sur l’intérêt que l’on a pour ce poste en particulier avec une formule du genre : "Je suis en shortlist dans une multinationale mais je ne vous cache pas que je donnerai la priorité à votre offre" ou "Je me retrouve tellement bien dans cette description de poste" en rappelant les arguments qui vous plaisent. C'est aussi l'occasion de flatter le recruteur tout en ajoutant un petit coup de pression. »

 

Oui, en ayant bien pensé à la question d’après

Mais la réponse se complique - un peu - quand le candidat hésite encore entre plusieurs pistes en cours. « Je préconise une certaine sincérité quand la question est posée, insiste Stéphane Cloteaux. Il faut dire que l'on a d'autres pistes. Cependant, il faut aussi se préparer à la question suivante. » Même si le candidat n’est pas tenu de dévoiler le nom des autres recruteurs potentiels - surtout si certains lui ont demandé une certaine discrétion - il peut évoquer le type de poste pour lequel il reste en lice. Mais, surtout, il va devoir préciser s’il a déjà une préférence. « Dès que l’on reconnaît que l’on a d’autres pistes, il faut s'attendre à ce que le recruteur pose la question. Moi-même, je demande toujours en quelle position le candidat place l’entretien en cours. » À charge pour le candidat de préparer certains éléments de langage pour montrer son intérêt et ne pas décourager le recruteur. « En même temps, c’est aussi une occasion de se faire préciser certains éléments et de dissiper certains doutes. »

 

Oui, pour ne pas se griller

Tout compte fait, il peut paraître tentant de se taire. Mais Laurent Hürstel assure que c’est un mauvais calcul. « Si le candidat ne dit rien, qu’il est finalement retenu et qu'il décline l'offre, le recruteur ou le cabinet risque d’avoir l'impression d'avoir été mené en bateau, souligne ce directeur associé au cabinet Robert Walters. Le candidat ne doit pas avoir une vision à court terme. Moi-même, en quinze ans de recrutement, il y a forcément des candidats que j’ai recroisé par la suite. » Ne pas insulter l’avenir en quelque sorte. Mais pour ce consultant, l’argument vaut aussi pour les recruteurs. « Cette honnêteté marche dans les deux sens. Si un candidat a d’autres pistes, un recruteur peut aussi lui donner un sentiment éclairé et bienveillant sur un autre poste. Ainsi, il m’est déjà arrivé de conseiller à un candidat de foncer ailleurs ou de préférer telle ou telle option en fonction de son profil. Tout le monde ne le fait pas, mais c’est dans l’intérêt de la profession car le candidat s’en souviendra. »

 

Non, si le recruteur (vraiment) pose trop de questions

Laurent Hürstel reconnaît cependant quelques exceptions à son raisonnement. « C’est de plus en plus rare, mais il ne faut pas en dire trop si un recruteur paraît peu scrupuleux, nuance le consultant. Il y a eu une période où des candidats ont été harcelés sur leurs autres pistes, essentiellement par des cabinets un peu roublards en quête de nouveaux clients à qui proposer leurs services. Si un candidat se retrouve en face d'un recruteur excessivement curieux sur ses autres pistes, il peut alors s’en tenir au minimum. »

 

Non… si on n’en a pas

Mais encore faut-il avoir d’autres pistes en cours. Agnès de la Bourdonnaye prévient enfin certains candidats contre une ultime tentation. « Si l’on recommande de dire que l'on a d'autres pistes, il ne faut pas non plus mentir en espérant se valoriser. » Gare au bluff qui marche rarement ! « Il est difficile de mentir car les recruteurs sont aguerris et de plus en plus formés au langage non verbal. Cela se voit tout de suite et le candidat est tout de suite décrédibilisé… »

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

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