Recrutement d'un directeur commercial par son N+1

Cédric Morin

Extrait d'un entretien d'embauche à un poste de directeur commercial, commenté par un consultant. Et vous, vous répondriez quoi à sa place ?

Contexte de l'entretien

P.B. a 44 ans, il postule à un poste de directeur commercial dans un titre de presse professionnelle, spécialisé sur l'électroménager. Le poste consiste à développer un portefeuille clients pour vendre des pages de publicité dans le mensuel. Son prédécesseur a très peu développé le réseau et s'est contenté de vivre sur les acquis du passé, il faut quelqu'un de motivé et disponible. En arrivant à l'entretien, P.B. sait que le salaire comprend une partie fixe et une partie variable. Il est au chômage depuis dix mois après avoir mis en liquidation sa société de commerce en ligne de produits électroménagers. Il revient donc vers les métiers commerciaux où il a fait tout le reste de sa carrière.  C'est le premier entretien qu'il décroche après avoir envoyé plusieurs dizaines de lettres de candidature. Le recrutement est mené par la directrice du groupe de presse, P.S. Elle connaît particulièrement bien le métier pour l'avoir pratiqué auparavant dans un groupe de distribution spécialisé. Elle recrute un futur collaborateur direct et est donc très sensible à sa manière d'être, mais aussi à la question salariale.

L'entretien commenté

P. S. : Bonjour, Monsieur B, je suis P. S., la directrice de la Tribune de l'électroménager. Je vous en prie asseyez-vous.

P. B. : Bonjour, je vous remercie.

P. S. : Vous postulez donc au poste de directeur commercial des produits blancs, (gros électroménager), un secteur que vous devez connaître un peu j'ai cru lire... J'ai entendu dire aussi que vous connaissiez un peu notre société et certains de ces anciens salariés ?

P. B. : Oui, effectivement, je connais bien le produit, je suis abonné à la Tribune depuis le premier numéro et c'est une bible dans nos métiers. Par ailleurs, j'ai eu l'occasion de croiser, à plusieurs reprises, M. C., qui m'a toujours dit le plus grand bien de votre société.

L'avis du RH

« Dès le début de l'entretien, P. S. montre à son interlocuteur qu'elle connaît son parcours et qu'elle a entendu parler de lui par des connaissances communes.  P. B.  aurait préféré attendre avant de dire qu'il connaissait un ancien salarié, parti à la concurrence. C'est un élément positif dans le sens où sa relation est l'un des meilleurs commerciaux du secteur ; en revanche le fait qu'il ait quitté la société peut jouer contre P. B. Il tente d'endiguer le risque en disant le plus grand bien de la société. Ce qu'il avait de mieux à faire. De son côté, le recruteur veut plus de gages de loyauté... »

P. S. : Vous m'en voyez ravie ! Je vous propose de commencer en vous présentant, je vous poserai quelques questions et, enfin, je vous parlerai du poste.

P. B. : Très bien, comme vous avez pu le voir sur mon CV ou l'apprendre par ailleurs, je dirigeais le site de vente en ligne, Electronet, dont j'étais aussi le principal actionnaire. J'ai du liquider l'entreprise l'année dernière, avec l'arrivée sur le marché depuis deux ans de grands groupes. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre que le marché est en récession. Avec mon associé nous avons tenu tant que nous avons pu, nous n'avons pas trouvé de nouveaux investisseurs et il a fallu fermer.

P. S. : Vous n'aviez pas anticipé l'arrivée de la concurrence ?

P. B. : Si, bien sûr, sinon nous aurions été en liquidation bien avant, mais nous n'avons pas pu rivaliser face à un holding comme CN, et les banquiers ont fini par nous lâcher. Vous connaissez l'état actuel du marché, comment voulez-vous qu'une petite entreprise comme la nôtre tienne, quand un groupe comme TV abandonne aussi la partie.

L'avis du RH

« P. B. se permet un ton presque familier, car il était il y a peu de temps, lui-même recruteur. Par ailleurs les deux personnages se connaissent de réputation, ils sont depuis des années sur les mêmes marchés. C'est une discussion entre initiés et le recruteur teste les réactions de P. B. sur un sujet sensible. »

P. S. : Tout à fait, vous êtes un de nos plus fidèles lecteurs et vous ne nous avez jamais acheté une page de publicité ?

P. B.  : (Il sourit) C'est vrai. Mais nous avions un budget communication très modeste, comme vous l'imaginez et que nous consacrions au marketing en ligne. Stratégiquement, il était essentiel d'être référencé par les moteurs de recherche pour être connu du grand public. Si nos finances nous l'avaient permis, nous serions bien évidemment devenus un de vos plus fidèles annonceurs !

P. S. : Avant de monter Electronet, vous avez travaillé plusieurs années pour un service Minitel qui offrait la même prestation...

P. B.  : Effectivement, j'étais directeur commercial chez X. J'ai commencé au service des achats, sur  les produits de petit électroménager et j'ai très vite évolué. Au bout de trois ans, je suis passé au service commercial, pour devenir directeur du service quatre ans plus tard. J'ai pu à cette occasion découvrir le fonctionnement de la vente en ligne, avant de lancer Electronet.  Je travaillais à l'époque avec toutes les grandes marques françaises et européennes. J'ai permis dans mes deux ans passés à la direction commerciale chez X de doubler le chiffre d'affaires. Je gagnais suffisamment bien ma vie, 50 000 euros par an pour investir dans ma propre affaire. Mon ancien patron est devenu l'un de mes principaux associés par la suite, mais, au départ, il ne croyait pas à la vente en ligne via internet. J'ai été un des pionniers du marché.

P. S. : Très bien et vous avez fait très peu d'études, vous avez quitté l'école à 16 ans. Etiez-vous en échec ?

P. B.  : Non, pas du tout, j'étais même très brillant, je me préparais à passer un bac scientifique avec un an d'avance, mais les événements de la vie on fait que j'ai du aller gagner subitement ma vie. Je n'ai pas tout de suite abandonné les études, j'ai passé mon bac français par correspondance. J'ai eu par la suite trop de travail pour mener les deux de front et pas d'autres choix que d'être autodidacte. J'ai commencé par travailler dans une quincaillerie avant d'entrer  au Bon marché où je suis resté trois ans. Très vite, je suis devenu chef de rayon, puis je suis passé au secteur....

Cédric Morin
Cédric Morin

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