Repérer un manager toxique… dès l’entretien d’embauche

Céline Chaudeau

Ils en imposent, ils sont brillants, parfois rusés. Et surtout, pour des raisons diverses, assez nocifs. Auteur du guide Toxi Patrons, les bourreaux du bureau, le coach Jean-Paul Guedj nous apprend à identifier ces managers compliqués à vivre et, si possible, à s’en préserver.
Repérer un manager toxique… dès l’entretien d’embauche

Le pervers narcissique : séduisant, mais…

Avec lui, la galerie de portraits prend très vite quelques airs de « déjà vu ». « Le pervers narcissique est un séducteur, explique Jean-Paul Guedj. C’est sa première caractéristique. Il vous déclare qu'il va vous parler de vous, et il touche souvent juste. Mais attention, il manipule et risque de vous placer sous son emprise. » Profil psychologique nocif s’il en est, le pervers narcissique semble toutefois compliqué à cerner dès l’entretien d’embauche. « On peut se fier à quelques indices, poursuit le coach. Un candidat peut déjà écouter son intuition s’il se sent infantilisé, dominé ou dépendant. La force de ce type de profil est qu’il sait déceler la faille chez les autres. S’il assène des vérités du genre "Vous êtes plutôt solitaire, non ?" ou vous vous sentez un peu "déshabillé", il y a peut-être une piste à creuser. Dans ce cas, il peut être utile de profiter d’un éventuel deuxième entretien pour confirmer cette impression. »

 

Le manager très intelligent… mais difficile à suivre

Mais tous les profils croqués dans Toxi Patrons (ed. Larousse) ne sont heureusement pas aussi graves. Plus drôle que méchant, le « spécialiste très intéressant qu’on ne comprend pas » s’annonce également assez compliqué à vivre. « Dans une banque, c’est typiquement le profil de l’hyper spécialiste promu chef de service parce qu’il est le meilleur technicien dans son domaine. Le souci, c’est qu’il n’est pas forcément un très bon manager. » En même temps, l’avantage est qu’il annonce très vite la couleur. « Il va vous inonder de notions complexes, dans un langage d’expert. On peut imaginer qu’un candidat se retrouve un peu paumé. » Or, ce malaise n’est pas anodin sachant que ce futur n+1 potentiel devra quand même vous donner des consignes claires si vous collaborez ensemble. « Il faut juste ne pas tomber de le piège de ne pas se sentir pas au niveau. » Et si les symptômes persistent, notre expert invite les candidats à méditer cette boutade du général De Gaulle : « il est plus facile de sortir de Polytechnique que de sortir de l’ordinaire ».

 

Lire : Les 5 profils de névrosés au bureau

 

Le bilingue… livré sans mode d’emploi

Dans le même genre, Jean-Paul Guedj livre une version toute aussi réjouissante du manager version Jean-Claude Van Damme. « Il est bilingue et ce n’est pas là le problème. Mais cela peut le devenir quand le manager dit vraiment un mot sur deux alternativement dans la langue de Barack Obama et dans celle de François Hollande. » Il parle à chaque détour de phrases de cash-flow que génère son activity et, dès l’entretien d’embauche, vous devez avaler un Doliprane 1000 pour calmer le mal de tête qui vous étreint. « Et dans vos échanges par mail, les deux langues seront évidemment totalement mélangées avec des fautes d'orthographe dans chaque. » Pas insurmontable, mais il est livré sans mode d’emploi. Surtout si on a pris allemand en LV1 !

 

Ce chef charismatique… mais barré ailleurs

Là, le candidat sera d’abord bluffé. Assurément, ce manager a de la stature et en impose. Il est silencieux et charismatique. Il choisit ses mots. Mais après, problème, il est un peu ailleurs. « Le revers de son aura est qu’il n’est absolument pas concret. Si vous lui demandez votre mission, il aura du mal à la définir. En fait, il est un peu distancié par rapport au monde, ce qui est compliqué au quotidien. » Problème de ce manager : on ne sait jamais trop ce qu’il a en tête. « Pour le neutraliser en entretien, posez-lui exclusivement des questions fermées, suggère le coach. Où, quand, combien, ou pour quelle date ? Il faut aussi privilégier les entretiens courts, ne pas rentrer dans son jeu et essayer de prendre la main. Et dans un mail, ne pas hésiter à lui dire clairement "J’attends votre réponse". »

 

Le pater familias… qui fonctionne (trop) à l’affect

Enfin, cet ultime profil pioché dans la galerie de portraits de Jean-Paul Guedj rappellera aussi sans doute à beaucoup quelques souvenirs. L’expert le décrit comme un pater familias qui met constamment de l’affect dans la relation de travail. « Il faut qu’on l’aime et aussi qu’il aime. Il ne connaît pas de rapports professionnels froids car il est dans la fusion permanente. Du coup, au quotidien, il est aussi dans l’intervention permanente, sans distance. » Le candidat s’en apercevra peut-être dès l’entretien d’embauche à la façon dont ce manager infantilisera son assistant (ou, au contraire, le traitera comme sa mère…). « Il peut piquer de grosses colères et aussi vouloir se faire pardonner immédiatement après. Il risque aussi de vous parler de façon très familière, tellement il est dans la fusion. » Mieux vaut le savoir avant. « Il travaille sur le mode sentimental davantage que managérial. Il n’est pas méchant mais sans doute n’en demandez-vous pas tant. » Comme pour les autres, mieux vaut être prévenu.

 

Avez-vous déjà fui un processus de recrutement à cause d’un manager qui semblait toxique ? Racontez-nous en commentaires.

 

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

Vous aimerez aussi :