Se définir comme un "profil atypique" nuit-il à votre recherche d'emploi ?

Régis Delanoë

Sans doute attirés par l’exotisme de l’expression, nombreux sont les candidats à se décrire comme des profils atypiques en entretien d’embauche. Mais, est-ce vraiment une bonne stratégie face à des recruteurs qui n’ont qu’une envie : être rassurés ? Nous avons posé la question à des experts du recrutement.
Se définir comme un "profil atypique" nuit-il à votre recherche d'emploi ?

Pas un gros mot

« Le terme "atypique" ne pose pas problème en soi, ce n’est pas un gros mot et c’est un qualificatif qui est globalement accepté en entretien d’embauche, assure Karine Doukhan, directrice associée chez Robert Half. Si effectivement vous avez un parcours professionnel non linéaire, il ne faut pas vous en cacher car l’honnêteté prime toujours. » Attention néanmoins à ne pas s’en contenter comme d’un mot-valise pouvant être utilisé sans justification derrière. « Au contraire, il faut aussi savoir l’expliquer et donc préparer des arguments en conséquence », complète Nicolas Ghislain, responsable régional au sein du groupe Fed.

 

Une multiplicité d’explications recevables

Préparés en amont, ces arguments peuvent énormément varier d’un cas à l’autre. « La nouvelle génération qui arrive sur le marché du travail est particulièrement portée vers ce côté zapping et changement d’orientation », observe Karine Doukhan. Ce n’est pas un problème s’il y a possibilité de trouver une cohérence dans les virages pris, poursuit-elle : « Par exemple, un candidat à un poste juridique dont je m’aperçois qu’il a tenté médecine avant d’orienter son parcours de formation vers le droit ne partira pas avec un handicap s’il est capable de montrer que ce changement de cap lui a forgé le caractère et qu’il a gardé de son précédent échec un goût pour la compétition et la rigueur au travail. »

 

Devancer les objections

Essayer de cacher ses trous dans un CV comme on tente de dissimuler la poussière sous le tapis serait la pire des erreurs à faire, d’après la coach carrière Bérangère Touchemann. « Ce parcours atypique, mieux vaut au contraire le vendre et devancer les objections du recruteur. Vous pouvez en parler librement à partir du moment où vous l’assumez. » Une année sabbatique pour faire le tour du monde ? Cela vous a peut-être permis de travailler vos langues étrangères tout en rechargeant les batteries pour replonger plus motivé que jamais dans le monde du travail. « Pour un parent qui a pris un long congé pour élever ses enfants, c’est aussi un choix de vie à valoriser : une maman dans une telle situation s’est muée en intendante, logisticienne et manager de sa propre famille », estime encore Bérangère Touchemann.

 

Jouer sur les centres d’intérêt

Certains parcours atypiques peuvent aussi se justifier par rapport à du temps consacré à une passion, qu’elle soit culturelle ou sportive. Par exemple, la pratique d’une discipline à un niveau intensif peut vous avoir éloigné un temps du monde professionnel classique mais cette originalité peut être une force : vous y avez travaillé la pugnacité, effectué des voyages, appris parfois le travail en équipe… « Cette passion peut se retrouver sur Internet au travers d’un suivi assidu de l’activité en question sur les réseaux sociaux. Là aussi c’est atypique mais vendeur car ça offre au recruteur qui l’aura remarqué un point d’accroche avec une personnalité, ça attise la curiosité », affirme Bérangère Touchemann.

 

Plus adapté à certains métiers

Une nuance importante est apportée par Nicolas Ghislain : « Dans le détail, il faut tout de même mieux éviter de mettre en avant un parcours atypique pour postuler à certains métiers. » Lesquels sont les moins adaptés à ce type de profil ? « Les fonctions de techniciens dans leur ensemble, répond le responsable de Fed Nord. À l’inverse, c’est plutôt valorisant pour les métiers commerciaux ou créatifs. » Dans tous les cas, le parcours atypique n’est jamais éliminatoire en soi. « Il faut juste avoir le feeling d’insister ou pas en fonction du poste visé et de l’intérêt du recruteur pour cette caractéristique de votre profil », estime Karine Doukhan.

 

Un détail qui plaît plus aux PME

Il y a aussi une différence selon la taille de la structure, fait remarquer Nicolas Ghislain : « Dans les grands groupes, il reste une préférence pour les profils issus des grandes écoles et aux parcours linéaire sans failles. C’est moins le cas dans les PME, où on va plus rechercher une personnalité, un candidat indépendant et polyvalent. » Autant de qualités qui reviennent souvent chez les profils les plus atypiques.

Régis Delanoë
Régis Delanoë

Après un Master obtenu à l’Institut d’études politiques de Rennes, Régis Delanoë s’est mis à son compte en tant que journaliste indépendant. Multitâche, il travaille depuis plus de dix ans dans le vaste domaine de la presse écrite et web. Enquêtes, reportages, interviews et veille de l’actualité : il s’est notamment spécialisé dans le secteur de l’emploi et de la formation, s’intéressant de très près aux nouvelles tendances et aux évolutions à venir en la matière.

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