12 techniques de management à piquer à des patrons de start-up

Sylvie Laidet-Ratier

Parce que c’est souvent dans les start-up que le management se réinvente, nous avons demandé à 12 patrons de jeunes pousses d’illustrer leur façon de piloter leurs équipes par une situation concrète. Morceaux choisis.
12 techniques de management à piquer à des patrons de start-up

« Pourquoi j’embauche tout le monde au même salaire »

Zouheir Guedri, PDG de Data & Data, société spécialisée dans la lutte contre la contrefaçon sur internet, 12 personnes.

« Que les nouvelles recrues viennent du MIT, de Berkeley… ou soient sans diplôme, tous ont le même salaire à l’embauche. Sauf que certains vont connaître des évolutions de salaires plus nombreuses et plus ou moins rapides. J’ai un collaborateur qui, après deux ans de médecine, a souhaité se reconvertir dans l’informatique. Pour cela, il a fait l’école 42. C’est là que je l’ai repéré et lui ai proposé un stage de 6 mois au cours de sa deuxième année de formation. Je l’ai finalement embauché au même salaire que les autres mais en un an, compte tenu de sa performance et de son potentiel d’évolution, il a déjà connu trois augmentations. En interne, cela ne pose pas de problème car les règles sont connues de tous ».

 

« Pourquoi je demande à mon équipe d’aller bosser ailleurs »

Fabrice Marsella, maire du Village by CA, incubateur de start-up du Crédit Agricole, 8 personnes.

« J’impose un planning d’absences d’une demi-journée de travail à l’extérieur du bureau par salarié. Tout en sachant que nous n’avons pas de bureau attitré mais que toute l’équipe travaille sur la grande table de la place centrale du Village by CA. On peut travailler de chez soi, depuis un café, au 8ᵉ étage du Village by CA, etc… partout où on veut mais pas au bureau. L’idée est de pouvoir bosser tranquille, de se ressourcer, de se concentrer sur des tâches qui méritent de prendre du recul par exemple. Est-ce efficace ? Évidemment, on prend ce temps pour soi-même si ce n’est pas naturel. Durant ces absences, je constate par exemple que l’on dépouille souvent les mails qui s’accumulent ».

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« Comment j’onboarde mes nouveaux commerciaux » 

Loic Deo Van, fondateur de ByPath, spécialiste du big data et du social selling au service des commerciaux, 20 personnes.

En moins d’un an, nous sommes passés de 5 à 20 collaborateurs dont 7 nouveaux commerciaux ! Notre business va vite et le temps manque. Recruter la bonne personne est essentiel mais notre enjeu est de la rendre opérationnelle le plus rapidement possible. Nous avons un parcours d’intégration express, en 10 jours, avec des étapes précises. D’abord la découverte de l’entreprise, sa vision, son organisation, son marché et son écosystème. Puis une phase d’écoute passive de la nouvelle recrue pour appréhender nos produits. On lui apprend ensuite à maîtriser notre elevator pitch et la démo. Il rencontre également chaque directeur de pôle, marketing, customer-Care, ADV et IT avant de se lancer dans un jeu de rôle. Objectif : rendre le commercial autonome et patron de son business. Notre "onboarding" s’achève par une présentation de ByPath devant l’ensemble des équipes qui donnera son feu vert pour lancer le commercial sur le terrain ! »

 

« Comment je refuse une augmentation »

Joël Ndombasi, cofondateur de youOrder, spécialiste du transport "dernier kilomètre", 20 personnes

 « Un jour, l’un de mes collaborateurs est venu me demander une augmentation que je ne pouvais honorer. Pour cadrer la discussion, j’ai commencé par aborder les missions qui justifiaient son salaire actuel. Comme ma décision était liée à une problématique de performance de la part de ce collaborateur, je lui ai parlé de ses points forts mais aussi de ses points à améliorer pour justifier ce refus d'augmentation. S’il avait été question de budget, je lui aurais exprimé clairement les difficultés actuelles et lui aurais donné de la visibilité sur les leviers à actionner pour changer la donne. Dans tous les cas, l'objectif est de garder le collaborateur motivé grâce à des objectifs précis et de tenir sa parole ».

 

« Comment je remotive un salarié insatisfait »

Amaury Roland, cofondateur de Studapart, plateforme de gestion de logements étudiants, 20 personnes. 

« Si l’un de mes collaborateurs est en colère, je vais boire un verre avec lui dans un endroit neutre afin de pouvoir l’écouter et qu’il puisse se livrer sans sentir la pression de la hiérarchie ou du groupe. Mon but est de pouvoir recueillir son ressenti et apaiser les choses. Ensuite, je fais un point avec lui sur ses évolutions personnelles et professionnelles depuis son arrivée chez Studapart et lui fait comprendre qu’à mon sens le plafond de verre n’est pas atteint et que ce serait dommage de freiner sa progression. J’en profite pour lui rappeler que la détermination est l’élément central de tout projet et que c’est ce qui fait qu’un petit groupe de personnes est capable de grandes choses ».

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« Comment j’ai géré une situation de harcèlement moral dans ma boîte »

Jean-François Faure, président fondateur de VeraCash, 25 personnes

« Un matin, la déléguée du personnel débarque dans mon bureau avec un dossier de harcèlement moral sous le bras et une dizaine d’attestation de salariés allant en ce sens. Il s’agit d’un des membres du staff, qui visiblement avait créé un état dans l’état, soufflant le chaud et le froid auprès des collaborateurs de sorte que les gens finissaient par se détester et ne plus se parler. Même si je n’étais pas préparé à cette situation, dès que les faits ont été portés à ma connaissance, j’ai mis à pied l’harceleur à titre conservatoire et j’ai mené une enquête. La DP, a envoyé à tous les collaborateurs un message demandant de faire remonter toutes les informations à charge et à décharge contre cette personne. Nous n’avons reçu que des éléments à charge. J’ai donc enclenché une procédure de licenciement. Les gens n’ont pas eu peur de s’exprimer et ont pensé, à raison, que leur boss, donc moi, pouvait les protéger. Suite au départ de l’harceleur, la DP a lancé un sondage auprès de l’équipe pour connaître leur état d’esprit. Il y a concrètement un avant et un après. Désormais, les salariés circulent à nouveau physiquement dans l’entreprise, se parlent, prennent plaisir à faire des afterwork, etc. Tout le monde a retrouvé l’envie de se donner à fond dans notre projet. Heureusement, car cet épisode aurait pu être fatal à notre entreprise »

 

« Comment on inspire les nouveaux collaborateurs »

Stéphanie Bacquère et Marie Noéline, cofondatrices de nod-A, spécialiste de la transformation numérique, 18 personnes.

« En start-up, on cherche à recruter une personne dont les compétences correspondent au poste proposé mais également, et c’est très important, que le courant passe avec les équipes déjà en place. Dans ce type de structure, l’union fait la force. Chez nod-A, les entretiens de recrutement sont réalisés par le ou les collaborateurs ayant le même champ de compétences que le futur employé. Cela permet non seulement de bien évaluer le niveau de compétences du candidat mais aussi, d’apprécier si son profil colle à l’esprit de l’entreprise ».

 

« Comment j’écoute et j’implique mes collaborateurs »

Sylvain Tillon, cofondateur de Tilkee, éditeur de solutions d’optimisation de relances commerciales, 17 personnes.

« J’ai instauré la réunion 3+/3- tous les 3 mois. Tous les collaborateurs y participent et chacun présente au moins 3 points négatifs et 3 points positifs sur leur travail chez Tilkee. Il est simplement interdit d’énoncer un point positif ou négatif déjà évoqué par un collègue. Mieux vaut donc en préparer 5-6 dans chaque catégorie ! On a un gage si on n’arrive pas à donner 3 points positifs et 3 points négatifs.

Le plus jeune ou le dernier arrivé dans l’entreprise démarre. On ne présente qu’un point à chaque fois. Il faut donc être stratégique pour ne pas se faire piquer ses sujets. Il est interdit de réagir à chaud ou de s’expliquer sur un point négatif mentionné par un collègue ! Ce format permet de mettre tout le monde sur un pied d’égalité, de se dire les choses positives comme négatives, de régler les petits soucis du quotidien, de libérer les éventuelles frustrations et d’entendre des compliments et réussites qu’on n’a jamais le temps d’entendre au quotidien. En tant que dirigeant, je m’engage à trouver des solutions pour créer un cadre de travail optimal et lever les points négatifs modifiables comme par exemple "mon ordinateur ne fait pas ses sauvegardes", "sur ce projet, on m’a demandé un coup de main mais j’ai eu l’impression d’avoir un rôle d’assistante" ou encore "ce projet n’a pas été vendu assez cher par rapport au temps que j’y ai consacré". Ces réunions nous ont permis d’éviter de nombreux conflits mais aussi de mettre en place de nouvelles idées et de nouveaux projets ».

 

« Comment je reconnais le travail de mes salariés »

François-Xavier Trancart, cofondateur d’Artsper, spécialiste de la vente d’œuvres d’art en ligne, 26 personnes.

« Nous attachons de l’importance à connaître chaque collaborateur et à le considérer à sa juste valeur. Chaque mois, nous organisons la remise du prix de l’employé du mois. Chacun est libre de proposer sa candidature en expliquant, par mail, ses succès mensuels. Puis nous réunissons toute l’équipe autour d’un verre pour récompenser les lauréats avec un cadeau personnalisé. Notre but est de mettre en lumière le travail de chaque collaborateur et de le valoriser auprès de tous. Cela a créé un challenge sain en interne, nos salariés sont fiers de leur travail. Nous voulons rester proches de chacun malgré les nombreux recrutements. Tous les 15 jours, nous organisons un déjeuner avec les employés avec lesquels nous n’avons pas forcément l’occasion de travailler en direct. Nous écoutons leurs remarques et nous partageons notre vision pour rester sur une même longueur d’ondes. C’est un vrai moment d’échange, toujours pertinent. »

 

« Comment j’inspire confiance à mes collaborateurs »

Gregory Herbé, cofondateur de MyJobcompany plateforme de chasse de tête en ligne, 20 personnes.

« Les salariés doivent se dire qu’ils ont raison de te faire confiance. Comme c’est primordial sur une petite structure comme la notre, nous avons mis en place SuperMood, un système proposé par une start-up. Toutes les 3 semaines, nos salariés reçoivent 3 questions et la possibilité de s’exprimer librement sur un sujet. Les réponses sont anonymes. Les gens répondent sur leur ressenti concernant des sujets très variés comme le sentiment d’être écouté, la possibilité d’évolution… C’est une manière de montrer qu’on est attentif à leur bien-être et surtout qu’on met en place des actions pour améliorer ce qui peut l’être. D’une manière très transparente, je transmets le rapport brut à toute l’équipe puis je fais des propositions sur les sujets les plus épineux. Ça me permet aussi d’expliquer ce qui ne peut pas être modifié et pourquoi. En fait ça permet d’être plus transparent. J’ai également instaurée le principe des vacances illimitées payées. Cette idée est venue d’un constat : l’an dernier en juillet, j’ai vu mon équipe se transformer en zombies. Ils étaient fatigués, agacés, malades et négatifs. En discutant avec eux, j’ai compris qu’ils avaient pris leurs dernières vacances en février et qu’ils gardaient tout ce qui leur restait pour plus tard. Cela ne fonctionnait pas : certains commerciaux n’avaient pas pris un jour en 3 mois et les développeurs travaillaient non-stop depuis 6 mois. Ils avaient besoin de repos. Pour autant, les vacances illimitées ce n’est pas la fête. L’objectif est de responsabiliser les gens. Si ton travail est fait et que tu prends 2 semaines payées en plus pour te reposer : parfait. Étonnement, l’accueil est mi-figue mi-raisin car les gens se demandent s’il y a un loup. Mais dans un an, tout le monde aura pris le pli, c’est certain ».

 

« Comment j’ai accueilli mon premier salarié ! »

Ghislain Journé, fondateur de Farmili, spécialisée dans les mini fermes urbaines, 4 personnes.

« Dans une petite start-up, on est au four et au moulin et l’arrivée du premier salarié est souvent attendue comme le messie. Attention toutefois à ne pas le noyer ! Les trois premiers jours ont été consacrés à une phase d’observation à l’issue laquelle la nouvelle recrue a présenté un rapport d’étonnement. Dans ce mini-audit, elle a livré son analyse globale de l’entreprise, les points d’amélioration identifiés et les projets auxquels elle aimerait participer plus particulièrement dans le cadre de ses fonctions. Cette première contribution a été valorisante pour le salarié et précieuse pour moi. Un gage de bonne intégration… et de satisfaction ! »

 

« Comment je pilote une équipe multiculturelle »

Thomas Benita, CEO, AirRefund, spécialiste de la collecte d’indemnisations pour le compte de passagers, 23 personnes.

« Depuis notre création il y a 3 ans, nous avons ouvert des bureaux dans 4 pays et recrutons sur un rythme de 2 à 3 nouveaux collaborateurs chaque mois. Avec 6 nationalités représentées dans nos équipes, l’anglais s’est imposé comme langue de travail privilégiée. Notre premier enjeu a été de créer les conditions d’un open-space virtuel pour que chacun puisse en permanence échanger avec les autres. Notre ligne est ouverte en permanence et nous l'utilisons pour les échanges one-to-one ou de groupes, autour d’un thème ou d'un projet en particulier. Nous avons également instauré des rapports hebdomadaires, par mail, suivis d’une réunion téléphonique. Cette séquence de management vise à faire le point sur les réalisations et les difficultés rencontrées au cours de la semaine écoulée. Nous pouvons ensuite mieux nous projeter sur les priorités de la semaine à venir. Ces rapports sont partagés avant la réunion téléphonique avec tous les membres du Comité de Management pour que notre moment de partage, qui ne dépasse pas 1 heure, se concentre exclusivement sur des prises de parole individuelles, à tour de rôle. L’usage de l’anglais à ici un avantage significatif : il impose à chacun de s’en tenir à l’essentiel ».

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Sylvie Laidet-Ratier
Sylvie Laidet-Ratier

Journaliste indépendante, je réalise des enquêtes, des portraits, des reportages, des podcasts... sur la vie des salariés en entreprise. Égalité femmes-hommes, diversité, management, inclusion, innovation font partie de mes sujets de prédilection.

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