Présentéisme : en connaissez-vous les dangers ?

Céline Chaudeau

Attention, sujet tabou. En France, du moins. Et pourtant, le présentéisme - soit aller au travail alors qu'on ne le devrait pas - coûte cher aux entreprises, selon les experts.

Une petite définition s'impose ? « Le présentéisme, c'est le fait de venir au travail alors que l'on est malade, par opposition à l'absentéisme où l'on reste chez soi », résume Mathieu Poirot. Cet expert en santé psychologique au travail, consultant chez Midori Consulting, avoue avoir l'habitude d'user de pédagogie sur le sujet : « Je croise sans cesse des managers qui n'ont jamais entendu parler de ce terme. Pourtant, ils devraient. C'est dans leur intérêt. »

 

3 600 euros par salarié

Selon une enquête publiée en 2011 par la fondation allemande Felix Burda, le coût annuel du présentéisme, additionné à l'absentéisme au travail, représente 9 % du PIB allemand soit... 3600 euros par salariés. Mais surtout, le présentéisme coûterait deux fois plus cher que l'absentéisme ! « Si l'on osait étudier la question en France, on obtiendrait très certainement des résultats semblables car les deux pays ont une structure très similaire en matière d'emploi avec un important secteur tertiaire. »

Selon l'expert, les préjudices du présentéisme pour l'entreprise sont bien réels. « Un salarié souffrant qui vient au bureau sera forcément moins productif, analyse Mathieu Poirot. Sa présence est en outre une source de stress et de tensions qui augmente les risques psycho-sociaux dans l'entreprise. Et en plus, lorsqu'il est contagieux, il contamine ses collègues. »

L'observation n'est pas nouvelle. Dès 2004, une étude américaine publiée dans la Harvard Business Review révélait, chez Lockheed Martin Corp, les coûts générés par 28 symptômes divers, de la grippe à l'arthrite, en passant par les migraines ou le mal de dos par exemple. Résultat : la productivité des employés avait chuté de 33 % en moyenne à cause du présentéisme. Au final, le préjudice global est alors évalué à 34 millions de dollars pour l'entreprise.

 

Idées reçues

« J'ai passé vingt ans dans des grands groupes à regarder des collaborateurs bûcher de 8 à 20 heures sans toujours comprendre ce qu'ils produisaient exactement, témoigne Yves Marie du Poset, président du cabinet Piloter ma carrière. Ce côté physique et territorial du salarié est très français. On valorise les employés qui viennent au bureau malades comme ceux qui restent tard. Or, dans les pays anglo-saxons, c'est le salarié efficace qui part à 17 heures en ayant terminé son travail qui gagne la considération de ses supérieurs. En retour, s'il se sent bien dans son job, sa productivité s'en ressent. »

Ce coach, auteur d'un livre sur les Clés du savoir-vivre en entreprise, plaide pour une plus grande autonomie du salarié. « Un de mes premiers patrons m'avait prévenu qu'on n'était vraiment efficace que trois à quatre heures par jour, se souvient-il. Il faut donc écouter son corps pour savoir quand et comment répartir au mieux ses tâches dans la journée. On travaille trop dans l'étalement du temps. Or, pour être plus efficace, il faut parfois casser la routine. Pourquoi ne pas aller travailler deux heures au café si on cale sur un dossier ? Ou chez soi, si on est un peu souffrant ? Et à plus forte raison, si on est vraiment malade et pas opérationnel, à quoi bon rester au bureau si c'est juste pour faire acte de présence ? »

« A cause de la culpabilité entretenue par la culture d'entreprise, déplore Mathieu Poirot. On a peur d'être taxé d'absentéisme stratégique, voire, dans certains cas, de perdre son travail. Les entreprises ne s'intéressent pas suffisamment aux enjeux de la santé au travail. »

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

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