Cadres en campagne

Tiphaine Réto

Ils mènent une double-vie. Ingénieur le jour et secrétaire de section la nuit; commercial la semaine et candidat aux élections cantonales le week-end... Ils jonglent sans cesse entre leur carrière de cadre et leurs engagements politiques. Mais comment font-ils ?

Les parcours sont différents. Les engagements politiques aussi. Les convictions, n'en parlons même pas... Mais leur organisation est peu ou prou la même. « Comment je me débrouille ? J'ai un bon agenda ! », résume Robert Hénault. A 51 ans, ce dernier se partage entre son poste de directeur d'une entité de droit social rattachée à l'un des leaders de l'industrie navale à Lorient et ses activités au Parti Socialiste, qu'il a rejoint en 2002 avant de devenir responsable de section en 2007.

Christophe Alves, lui, est à 32 ans cadre commercial à Toulouse... mais, engagé en politique depuis ses 17 ans, il est aussi conseiller national de l'UMP et délégué d'une circonscription en Haute-Garonne. Erik Faurot, enfin, navigue entre son activité de commercial dans le secteur du bâtiment et son mandat de secrétaire régional du Front National en Auvergne. Ces trois hommes à la double casquette nous livrent leurs secrets pour mener de front engagements professionnels et politiques.

Un emploi du temps à rallonge

L'agenda, chargé mais surtout bien organisé, est donc leur meilleur allié. « J'ai de la chance, reconnaît Christophe Alves. Je suis un hyperactif qui a très peu besoin de sommeil. Du coup, je me débrouille pour être à 6h30 au boulot et je suis en quasi non-stop toute la journée sur mes dossiers pour pouvoir partir à 17h. A partir de là, j'enchaîne sur mes occupations politiques : réunions, mails, rapports... J'en ai souvent au moins jusqu'à une heure du matin. »

Organiser chaque moment de la journée

Erik Faurot déclare des horaires à rallonge similaires, malgré ses tentatives pour combler chaque moment de libre dans la journée : « Comme je passe beaucoup de temps en déplacement, je profite souvent de mes trajets en voiture pour passer des coups de fil tant pour le Front que pour mon entreprise. » Pour Robert Hénault, il s'agit surtout de bien mesurer en amont les engagements : « Je me suis arrangé pour être en charge d'une commission dont les réunions et les suivis de projet peuvent se faire le soir et le week-end. Il était impossible que ça empiète sur mon temps de travail. »

A 100 % sur chaque plan... ou presque

C'est la règle d'or. « On se doit d'être à 100 % sur tout, prévient Erik Faurot. C'est un contrat avec l'employeur et un respect vis-à-vis des collègues qui n'ont pas à assurer plus de boulot parce qu'on n'est pas dispo. » Le secrétaire régional a ainsi poussé l'exploit jusqu'à réaliser ses meilleurs mois de commerciaux au moment de sa dernière campagne électorale. Seul hic dans tout ça ? « La vie de famille », s'accordent les trois militants. « Personnellement, mes enfants sont grands et ont moins besoin de moi, note Robert Hénault. Mais sans ça, et sans une femme très compréhensive, je ne me serais jamais lancé dans l'aventure. »

Tout cloisonner

Reste que l'équilibre entre vie professionnelle et vie politique est parfois difficile à tenir. « Il faut tout cloisonner, explique Christophe Alves. Ne pas laisser de pont s'établir entre les deux univers. » Le jeune homme va jusqu'à demander à des militants de le conduire à ses meetings : « Ma voiture est un véhicule de fonction et je ne voudrais pas qu'on puisse rapprocher d'une manière ou d'une autre le nom de mon employeur de mes activités au sein de l'UMP. C'est une question de respect et de confiance. » Pour Erik Faurot, l'argumentaire se défend à l'envers : « Quand un client commence à me parler politique, je coupe court à la conversation. S'il insiste vraiment, je lui donne mon numéro personnel et lui explique que je serai ravi d'en discuter avec lui après 20 heures. »

Des freins dans une carrière

Une discrétion qui peut aussi être de bon aloi pour éviter les déconvenues professionnelles. « J'ai perdu deux emplois à cause de mon engagement au Front National, avance Erik Faurot. Mes employeurs estimaient que mes engagements pouvaient me priver d'une certaine clientèle. » Depuis, le commercial joue carte sur table dès l'entretien d'embauche. « C'est certainement plus délicat pour les partis des extrêmes, note Robert Hénault, mais moi je n'ai jamais senti mon engagement politique comme un frein dans ma carrière. Bien moins en tous cas que ne l'a été mon engagement syndicaliste pendant 25 ans. »

Une ouverture

Pour le responsable PS, le militantisme peut même être une manière de donner de l'ampleur à sa carrière. « Pour un recruteur, c'est le signe qu'on est capable de mener des hommes, de porter des projets et de faire aboutir des dossiers ». « Et c'est aussi un réseau énorme, précise Christophe Alves. On peut être au courant de certaines pistes de travail ou recommander quelques amis auprès d'amis. Sans jamais en abuser, bien sûr. Parce qu'encore une fois, pour que ça dure, on se doit d'être irréprochable, tant sur le plan professionnel que politique. » Tout un programme.

Tiphaine Réto © Cadremploi.fr

 



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