Codir, comex : que s'y passe-t-il vraiment ?

Céline Chaudeau

Qui n’a jamais entendu un énigmatique "Je pars en comex" ou l’équivalent "Il est en codir" ? Derrière ces mots se cache une réunion essentielle au fonctionnement de l’entreprise, et pas si inaccessible.
Codir, comex : que s'y passe-t-il vraiment ?

Pour savoir ce qui passe derrière la porte, rien de tel qu’un témoignage de l’intérieur. « Chez nous, le codir, c’est-à-dire notre comité de direction, se tient une fois par mois avec les différents responsables de services et membres de direction, confie Damien Favrot. Directeur général de Nibelis, il a connu son premier codir ici, chez cet éditeur de logiciels en pleine croissance, spécialisé dans les solutions SIRH (Système d'information de gestion des ressources humaines). « Tous les départements de l'entreprise sont représentés. C’est un moment de partage entre services et départements avec une vraie vision à 360° qui permet à chacun de mieux comprendre les enjeux des autres. Concrètement nous échangeons autour de ce que l'on appelle communément les KPI (Key performance indicator) c’est-à-dire les indicateurs de performance de chaque service. » Chez Nibelis, seule une dizaine de personnes sont conviées. « Pour être efficace, on ne peut pas être trop nombreux. Rien qu’avec les différents responsables de service, chez nous, un codir peut durer une petite journée. »

 

Des termes « qui génèrent souvent quelques fantasmes »

Tout d’abord, faut-il dire codir ou comex ? « Dans les faits, c’est le même principe, explique Laurence Bourgeois, auteure du guide Éloge de la critique et des jeux de pouvoir en entreprise. Les termes varient selon la taille ou la culture de l’entreprise. » Le rôle du codir ou du comex consiste à regrouper différentes fonctions à des niveaux stratégiques. C'est une instance décisionnaire, donc avec un rôle essentiel dans la stratégie de l’entreprise. « Tout dépend souvent de la taille de l'entreprise, abonde Jean-Marie Peretti, professeur et chercheur en ressources humaines et auteur du livre Gestion des ressources humaines. Dans de grands groupes comme Orange, par exemple, vous allez trouver 300 codir et un seul comex à un niveau plus corporate. À force d’entendre qu’un manager ne sera pas disponible à telle date parce qu’il sera en codir, le terme génère souvent quelques fantasmes alors qu’il s’agit surtout d’une réunion de travail entre chefs. » Ces réunions peuvent être mensuelles, comme dans l’exemple précédent, mais aussi hebdomadaires.

 

Des ambiances très variables

L’ambiance de ces instances dépendra évidemment de l’appréciation de chacun et surtout de la culture d’entreprise. « Ces instances sont précieuses et peuvent être très différentes dans les entreprises, analysent Edgard Added et Hervé Saint-Aubert, auteurs du livre Les CoDir du 3e millénaire. Elles sont à l'image de la culture de l'entreprise, du président et de ses dirigeants. Le comité de direction est une instance décisionnaire collégiale, mais c'est le président qui organise les débats, tranche et décide d'une direction à prendre autour de la vision de la stratégie. » Ces observateurs évoquent des comités « à géométrie variable » avec certains comités de direction composés uniquement d’opérationnels et des femmes plus ou moins représentées selon les sociétés par exemple.

Chez Nibelis, Damien Favrot se réjouit de siéger dans un codir où la parité est respectée. « Mais on est choisi sur de stricts critères de compétences ce qui rend l’exercice gratifiant, témoigne-t-il. Il y a forcément une certaine solennité car l'objectif du codir est de prendre un peu de recul par rapport à son activité et de participer à des décisions et des arbitrages importants pour la stratégie de l’entreprise. »

Pour autant, personne n’est à l’abri de l’ennui ou de l’inefficacité. « Comme toute réunion, on peut y perdre beaucoup de temps si les questions sont mal définies ou l’assistance mal préparée », sourit Jean-Marie Peretti. Pour y remédier, ce chercheur a vu apparaître des codir virtuels. « L’idée est de créer une communauté d'échange à distance et strictement sécurisée. Cela permet à chacun de participer, même en déplacement. Pour gagner du temps, le patron peut aussi donner une information ou poser une question en amont et recueillir les avis des autres membres en ligne. »

 

Des instances pour s’entraîner

Mais quelle que soit la forme choisie, tous nos experts en conviennent : n’entre pas au codir qui veut. « Il faut généralement accepter un poste de direction soit de manière verticale et acquérir une dimension stratégique suffisante pour intégrer ces instances », observe Laurence Bourgeois. Certains cadres pourront quand même s’entraîner à cette perspective. « En attendant, des salariés peuvent accéder à des comop, c'est-à-dire des comités opérationnels en vigueur dans certaines entreprises. Ces réunions portent sur des projets particuliers à forte dimension stratégique et peuvent donner une idée de l’ambiance de ces instances. »

D’autres entreprises, comme Accor, ont même lancé des comex et codir fantômes. « Alors que la moyenne d’âge de ces instances se situe plutôt autour de 50-55 ans, l’idée très innovante de ces réunions parallèles est de faire travailler des groupes de jeunes cadres prometteurs comme s’ils étaient en comex ou en codir, en leur donnant les mêmes informations, juste pour voir quelles conclusions ils en tirent. Les retombées sont très intéressantes. Preuve que ces instances sont parfois moins figées qu’on ne l’imagine… 

Céline Chaudeau
Céline Chaudeau

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