Comment présenter un document que l'on n'a pas écrit

Benjamin Fabre

C’est un art difficile et nécessaire : une fois passé un certain niveau de séniorité, il faut être capable de défendre des idées qu’on n’a pas eues… voire dont on n’a jamais entendu parler. Notre chroniqueur Benjamin Fabre vous explique comment.
Comment présenter un document que l'on n'a pas écrit

Description de la situation

Cela vous apprendra à monter en grade. À force de déléguer les basses besognes aux petites mains qui garnissent votre équipe, le malheur a fini par se produire : vous avez rendez-vous chez votre plus gros client, avec, sous votre bras, un demi-kilo de slides à lui présenter, tous magnifiques, bourrés de flèches et de dégradés de couleur somptueux, mais le seul souci, c’est que vous n’en avez pas écrit un seul. Ni lu, d’ailleurs. La réunion commence dans une heure.

 

Les clés pour s’en sortir

Le pire réflexe, dans un tel cas, serait celui du bon élève : vous lancer dans une lecture effrénée du document dans l’espoir (vain) d’en ingurgiter la substance et les détails. Je suis désolé, mais c’est trop tard. Tout ce que vous risquez, c’est la noyade.

 

Gardez la hauteur suffisante. Celle du chef qui surplombe le marécage de son œil lointain et buriné. Convoquez les petits lapins qui ont pondu cette présentation et exigez un résumé de cinq phrases. S’ils peinent à le sortir, vous pouvez vous inquiéter pour la cohérence du contenu. Mais tant pis. Il fallait les gronder avant. Griffonnez ce résumé sur votre cahier, il sera votre passeport pour la crédibilité. Défilez ensuite la présentation en accéléré avec vos ouailles en leur faisant extraire pour chaque slide dix mots de résumé que vous reformulerez au crayon avec la hauteur d’esprit et le style qui vous ont mené là où vous êtes.

 

Vous maîtrisez maintenant le squelette du document. C’est largement suffisant pour aller faire la danse du ventre devant votre client. Pendant la réunion, ne lisez aucun des mots inscrits sur le grand écran. Racontez l’histoire dont vous avez extrait le chemin de fer avec un aplomb et une tranquillité outranciers, avec vos propres mots, votre propre vision des choses, tant pis si vous trahissez ce qui est écrit, personne n’y verra rien, aucun être humain n’est capable d’écouter quelqu’un parler tout en lisant un PowerPoint en police 10, c’est vous qui tenez le micro, c’est vous qui êtes dans la lumière, c’est vous qui faites chanter l’histoire. Planez. Laissez les détails et les questions terre-à-terre pour la prochaine réunion (dont vous serez absent). Votre client sera flatté de vous voir l’emmener près de la voûte céleste. C’est votre place, désormais.

 

Et vous, avez-vous déjà vécu des situations aussi inconfortables ? Témoignez sur la page Facebook de Benjamin Fabre 

 

Benjamin Fabre
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