Et voilà le cocktail de l'institution qui pérore et qui a raison.
Ses employés s'engagent dans des causes.
Elle donne de-ci de-là quelques milliers d'Euros à un projet humanitaire, peu pour ceux qui l'octroient, tellement pour ceux qui le reçoivent, que l'on aime ça.
On est ému.
Aujourd'hui se réunissent tous les membres du personnel qui ont œuvré pour les autres. On y reconnaît de vrais généreux, simples et souvent mal attifés, des gens qui ne s'occupent pas d'eux mêmes. Le tout est présidé par le grand chef.
Alors on voit également passer des gens importants, les suppositoires du pouvoir qui savent que mélanger humanitaire et business, cœur flamboyant et positionnement, c'est bien.
On reconnaît machin, tiens qu'est qu'il avait bien pu devenir après s'être fait sortir il y a 5 ans ? Rien, mais il n'a pas de poussière sur son costume, c'est toujours ça. On oscille entre les quelques handicapés physiques et mentaux invités pour illustrer l'effort, et l'ancien patron de métier venu redorer son blason en attendant de récupérer son double 00.
On est perdu. On se goinfre des petits fours et du Sauternes qui tourne, on a la tête qui s'envole et les pieds qui en écrasent d'autres sans distinction de classe. On aimerait bien secouer tout le monde mais on sait qu'on ferait mieux de commencer par se secouer sois même.
Où sont les grands idéaux ?
L'argent versé depuis le début à ces associations humanitaires ne correspond même pas à un an de la retraite dorée du speaker dont les journaux, ces vautours, font les choux gras. On se méfie des comparaisons débiles, des raccourcis faciles, de l'agit-prop qui sévit à tout échelon en ce moment, mais on s'aigrit. On ne maigrit pas en revanche, les petites tranches de foie gras au gros sel sur lit d'endive sont délicieuses.
On s'attache.
Passe Quentin Lamoureux. Il vient probablement du réseau, conseiller clientèle dans une petite agence du côté de Montreuil. Pantalon en tergal gris, veste à velours côtelé marron, chemisette orange et nœud papillon pour l'occase, Quentin s'occupe selon son badge d'une association de malentendants. Il est gras, vilain à souhait, sa barbe de trois semaines cache mal une acné décennale. Il est content d'être là, un peu nerveux alors il mange, mais content quand même. On est content qu'il soit la aussi, pour pouvoir le raconter, mais si l'on cherche des représentants de l'aristocratie de la banque, si l'on cherche les membres de la banque d'investissement si riches et si vilipendés (haut et court) , on n'en trouve pas. Peu.
Ils ont trop d'argent pour en donner, et travaillent assez comme ça au bureau pour ne pas avoir en plus à s'occuper des autres.
