Tout étudiant de grande école s'est fait un jour ou l'autre bourrer le mou sur le thème « vous devriez commencer votre expérience professionnelle par un passage dans un grand groupe institutionnel. » Ça fait joli et sérieux sur le CV, ça inspire confiance au futur employeur ou au banquier si vous montez votre business, vous recevrez une vraie bonne grosse formation avec des moyens faramineux, vous vous tisserez un réseau professionnel qui vous servira toute votre vie. Globalement tout est bon dans le cochon.
Tout cela est assez vrai.
Mais.
On vous l'aura peut être dit et vous ne l'aurez pas cru, mais le plus grand combat que l'individu doit mener dans sa vie au sein d'un grand groupe est un combat au sein du groupe, justement.
La population d'un groupe institutionnel du secteur tertiaire se sépare globalement en deux parties : les centres de profits, les opérationnels qui sont sur le terrain, vendent, achètent, créent, produisent, ceux qui vont à la chasse et tuent le mammouth, et les centre de coûts, les fonctionnels qui préparent, gèrent, contrôlent, valident le travail des premiers, ceux qui restent dans la caverne pour fabriquer puis affûter les haches.
Il arrive bien souvent, et c'est difficilement contournable, que les relations entre ces deux blocs soient tendues.
Le fonctionnel pensera :
« Diantre ce garçon est un jeune chien fou et je devrais peut être le brider un peu, heureusement que je suis la pour faire respecter la règle sans quoi tout partirait à vau l'eau. »
Celui là il fait n'importe quoi et en plus il se la pète parce que c'est lui qui ramène le pognon, attends de voir mon coco, je vais t'attraper par là ou ça fait mal.
L'opérationnel pensera :
« Seigneur comme ces gens sont tatillons et procéduriers, heureusement qu'il ne parlent pas à des clients, tentons de les contenter tout en développant car il faut faire avancer la mécanique. »
Ils commencent à me courir ces frustrés, le pouvoir de dire non ça va deux minutes mais la j'ai trouvé un bon truc pour contourner leurs règles débiles.
De même que l'on retrouve plus de pédophiles dans des professions d'encadrement d'enfants et plus de narcissiques dans la banque d'affaire, on va rencontrer un certain nombre de lombrics dans les fonctions supports, dont l'absence totale d'ossature se conjuguerait mal avec une quelconque prise de décision dont il faudrait assumer, plus tard, les conséquences.
Ces gens existent, on pense à Adrien Deume dans Belle du Seigneur, et ils sont aussi nuisibles que les opérationnels mercenaires qui ne sont là que pour marcher dans la bouche de ceux qui réussissent moins bien, se faire mousser et grimper les échelons ou partir.
Mais au moins, ils partent, alors que les chiffes fonctionnelles s'engluent dès qu'elles touchent leur seuil d'incompétence, et passent du stade de limace à celui de résine de pin.
Les fonctions se sentent méprisées, sous payées (ce qu'elles sont ) et développent un complexe qui va rendre certains de leurs membres très agressifs, ou sujets à ce qu'on appelait à une époque la grève du zèle. Demandez à un service juridique interne si vous avez le droit de faire quelque chose. Le simple fait de poser la question induit que ça n'est pas bien clair dans votre esprit, et qu'il y a un doute, donc un risque.
Donc non, vous n'avez pas le droit.
Pourraient-ils l'écrire, afin que vous puissiez expliquer à votre boss pourquoi vous ne l'avez pas fait ?
Non, un service juridique n'écrit jamais.
ça laisse des traces, c'est sale. Et risqué.
Or, des risques, ils sont là pour vous éviter d'en prendre.
